L’interdit de toucher une femme (ou un homme)

Kvod Harav,
J'aurais plusieurs questions concernant l'interdit de toucher une femme (ou un homme).

- Le "Choul'hane 'Aroukh" conserve t-il l'approche de Maimonide (toucher avec du plaisir ou "Dérèkh 'Hiba" est interdit par la Tora) ou celle de Rambane (toucher est interdit par les Rabbanim et l'acte par la Tora)?
- Si l'on suit l'avis de Rambam, "faire la bise" équivaut à transgrésser un interdit de la Tora ou des Rabbanim ? (je parle du monde occidentale ou "la bise" est devenu anodine...à tort...)
- Peut-on trouver des décisionnaires orthodoxes qui permettent de serrer la main à une femme si celle-ci tend la main en premiere et qu'il y a un risque de lui faire honte?

Merci pour votre aide et pardonnez le nombre des questions mais une mise au clair sur le sujet serait fort utile à la communauté francophone
Kol Touv

Rav Meir Cahn
« Et Hachèm dit : une femme qui n’est pas tienne, tu t’abstiendra rigoureusement de la toucher…et quiconque toucherait une femme qui n’est pas la sienne s’attirera la mort, ainsi qu’il est écrit : et elle abattit de nombreuses victimes… » ( Midrach Raba, Parachate Bo, chap. 16)

Tout rapprochement ou contact physique avec une femme qui n’est pas la sienne (et en période de pureté), est interdit (1). « Lo Tikrévou » (vous ne vous approcherez pas) : en ces termes, la Tora nous enjoint à respecter une distance, marge de sécurité, qui écartera le risque d’en arriver à entretenir des rapports interdits ou incestueux (2).

Nombreux sont les Décisionnaires qui estiment que cette mesure protectrice est sanctionnée d’un « Lav Déoraïta » (d’un interdit d’ordre Toranique) (3). Tel est également l’avis du Rambam (4). Selon d’autres, les contacts physiques ne relèvent pas d’un interdit Déoraïta, mais d’une Guézéra Dérabbanane (d’un interdit d’ordre rabbinique) (5) : tel est l’avis du Rambane (6).

Le Choul’hane ‘Aroukh (7) stipule qu’enlacer ou embrasser l’une des « ‘Arayote » (des femmes qui lui sont interdites) ou bien la toucher avec du plaisir, sera passible de « Malkoute » (de flagellations). Les « Malkoute » ne sont administrées que pour un « Lav » (une faute d’ordre Déoraïta). Il apparaît donc clairement, ainsi que semblent observer les Commentateurs du Choul’hane ‘Aroukh (8), que ce dernier conserve l’approche du Rambam. Le Rama, ainsi que constate le Chakh, suit également l’approche du Rambam (9).

Et telle est finalement la conclusion tirée par les A’haronim (les Décisionnaires des temps plus récents) : embrasser ou même toucher une femme implique la transgression d’un interdit Déoraïta (d’ordre Toranique) (10).

Nous remarquerons que l’expression de cet interdit, exprimé par le vocable « Lo Tikrévou », est rédigée au pluriel : « Vous » ne vous approcherez pas.
De là nos Sages déduisent, que la femme en est prévenue au même titre que l’homme (11). Et ainsi, le ‘Hinoukh conclue que ce Lav (cet interdit Toranique) s’adresse autant aux hommes qu’aux femmes (12).

Précisons cependant que cette Halakha, selon laquelle tout contact physique est sanctionné d’un Lav Déoraïta, ne concerne que les rapprochements qui seraient accompagnés de sentiments d’amour ou d’affection – Dérèkh ‘Hiba. Même pour le Rambam, estiment les Décisionnaires à la quasi unanimité, un toucher qui serait dénué de tout sentiment d’affectivité, ne sera interdit que Midérabbanane (par décret rabbinique). C’est ce qui donne la possibilité de permettre, en cas de maladie par exemple, un examen médical (13). Il est à noter malgré tout, que Marane le Bèt Yossèf reste sceptique sûr ce point, et hésite à accorder une permission selon le Rambam. Car pour lui, un contact même dépourvu de toute émotion pourrait rester interdit Midéoraïta (d’ordre Toranique) (14).

Est-ce que « faire la bise » serait assimilable à un toucher dénué de toute manifestation affective ? Il parait évident que, malgré la relative banalité avec laquelle elle puisse être pratiquée dans certains milieux, elle reste toutefois l’expression d’un accueil marqué d’une convivialité, pour le moins affectueuse. Dés lors, elle impliquerait la transgression d’un interdit Déoraïta (15).

Et quoi qu’il en soit, tendre la main à une femme reste interdit, même lorsque cette omission pourrait représenter un manque aux règles de la bienséance (16).

De plus, serrer la main déjà tendue par une femme serait également à proscrire, en dépit du risque de froisser ses sentiments. La différence entre la conformité à une norme de civilité, et le laisser aller au « Dérèkh ‘Hiba Véhanaa » (acte impliquant l’expression de sentiments) étant difficile à établir, la tolérance de cet acte reste incertaine (17).

Kol Touv

(1) Guémara Chabbate, 13 a, Oupliga Dérav Pédate
(2) Vaïkra, Pérèk 18 Passouk 6. Voir aussi le Choul’hane ‘Aroukh, Evèn Ha’ézèr chap. 21 par. 1
(3) C’est l’avis du Raavad dans son commentaire sur le Torate Kohanim, Parachate Émor, du Smag Lavine 126 ; du ‘Hinoukh Mitsva 188 ; du Ritba Chabbate 13 a ; du Méïri Sanhédrine 66 b ; du Rane Péssa’him au début du Pérèk Kol Cha’a, ainsi que dans ‘Avoda Zara, Pérèk Ein Ma’amidim ; du Choute Rivach chap. 425 ; du Choute Radbaz tome 4chap. 2 au nom du Kaftor Vaféra’h ; du Rabénou Yona dans Iguérèt Hatéchouva Yom 2 et du Méguilate Estèr page 118.
(4) Rambam, Hilkhote Issouré Bya Pérèk 21 Halakha 1, ainsi que dans son Séfèr Hamitsvote, Lo Ta’assé 353. Le Maguid Michné, ad. loc. précise que ce Lav, ainsi que son ‘Onèch de Malkoute, n’est valable que lorsqu’un rapport intime est sanctionné d’un Karèt ou d’une Mitate Bèt Dine. Lorsque l’acte même ne relève que d’un Issour Lav, l’interdit de Lo Tikrévou ne sera plus verbalisé d’un Lav, et n’impliquera donc plus le châtiment de Malkoute. Ce Maguid Michné est rapporté par le ‘Hélkate Mé’hokèk et le Bèt Chémouèl, Évèn Ha’ézèr chap. 20, alinéas 1, ainsi que par le Chakh, Yoré Dé’a chap. 157 alinéa 10. Voir aussi le Biour Hagra, Évèn Ha’ézèr ad. loc.
(5) Le « Lo Tikrévou » (vous ne vous approcherez pas) mentionné par le Passouk (le verset) de Vaïkra, ne constituant qu’un indice sur laquelle les Sages se sont appuyés lorsqu’ils ont établis cet Issour. Cet avis considère également la possibilité de concéder à cet interdit la qualité d’un Déoraïta, mais sans lui attribuer de Lav, à l’instar d’un ‘Hatsi Chi’our – la demi mesure d’un interdit Déoraïta.
(6) Dans ses ‘Hidouchim sur la Guémara Chabbate, ad. loc. et dans ses Hassagote sur le Séfèr Hamitsvote, ad. loc. C’est également l’avis du Rachbats, dans Zohar Haraki’a, Lo Ta’assé 11. Ca pourrait être l’avis du Rachba, dans ses Téchouvote, tome 1 chap. 1188. Voir aussi la Guémara Sota 26 b, et le Biour Hagra, Évèn Ha’ézèr chap. 20 alinéa 1, qui s’allonge à expliquer les deux avis.
(7) Évèn Ha’ézèr chap. 20 par. 1
(8) ‘Hèlkate Méhokèk, ad. loc alinéa 1, Béèr Hagola, ad. loc alinéa 1, Byour Hagra, ad. loc alinéa 1
(9) Chakh, Yoré Dé’a chap. 157 alinéa 10 ainsi que chap. 195 alinéa 20
(10) Chakh, ad. loc, en appuyant sa décision sur la Guémara Sanhédrine 75 a ; le Nétivote Hachalom, Nétiv 8 par. 2, constate également que telle semble être l’opinion des A’haronim, et ajoute que Vékhèn ‘Ikar. Notons néanmoins que le ‘Hélkate Mé’hokèk, ad. loc. semblerait accorder plus de poids à l’avis du Rambane.
(11) Torate Kohanim Parachate A’haré Mote, ramené également par Rachi sur le ‘Houmach, ad. loc.
(12) ‘Hinoukh, Mitsva 188
(13) Chakh, ad. loc. chap. 157 et 195, Bèt Chémouèl, Évèn Ha’ézèr chap. 20, alinéa 1, ‘Ezèr Mékodèch, ad. loc, Kénéssèt Haguédola, Yoré Dé’a chap. 195 Hagaote Bèt Yossèf par. 13, d’après le Radvaz, Mé’il Tsédaka, chap. 19, ‘Atsé Arazim, chap. 20 alinéa 1, Pléti, Yoré Dé’a chap. 195, Sidré Tahara, ad. loc, ‘Havote Da’at, ad. loc, Torate Hachélamim, ad. loc. ‘Hidouchim alinéa 13, Byour Hagra, ad. loc. alinéa 21, Choute Noda’ Bihouda Tiniana, Yoré Dé’a 122, Choute Péné Yéhochou’a, tome 2 chap. 44, voir également le Choute Harivach, chap. 425. Voir encore le Choute Dévar Yéhochou’a, tome 3 Évèn Ha’ézèr chap. 15 par. 5. Voir enfin le Choute Iguérote Moché, Yoré Dé’a tome 3 chap. 54 au morceau intitulé Hiné Pachoute, qui explique que la raison pour laquelle nos Sages ont interdit ces contacts sans ‘Hiba, est d’une part, afin de prévenir des contacts qui seraient Dérèkh ‘Hiba, et d’autre part, pour éviter que d’éventuels observateurs ne soient portés à penser qu’il s’agirait de contacts Bédérèkh ‘Hiba.
(14) Bèt Yossèf, Yoré Dé’a fin du chap. 195 par. 17. Il conclu par un Tsarikh ‘Iyoun, même en cas de Pikoua’h Néfèch, car il s’agirait de Avisra Déguilouï ‘Arayote. Tel est aussi l’avis qu’émet le Rambane selon le Rambam, voir le Bèt Chémouèl, Évèn Ha’ézèr chap. 20, alinéas 1, ainsi que le Haflaa, dans son œuvre Nétivote Lachévèt, ad. loc. Voir cependant le Choute Zéra’ Émèt, Yoré Dé’a chap. 116, qui écrit que la conclusion du Choul’hane ‘Aroukh au niveau de la Halakha pourrait être, que même en suivant l’avis du Rambam selon lequel tout contact est interdit Midéoraïta, il se pourrait que ce dernier ne soit néanmoins pas considéré comme Avizra Déguilouï Arayote pour lequel il faille être prêts à sacrifier sa vie ; voir encore le Choute Iguérote Moché, Yoré Dé’a tome 3 chap. 54 intitulé Bèt Ouédavar.
(15) Voir le Choute Harivach, ad. loc. Voir également le Or’hote ‘Haïm, Hilkhote Biyote Assourote alinéa 13, qui stipule que toucher sa main (il parle d’une Échèt Ich – une femme mariée), son visage ou quelque autre membre que ce fut, est interdit Midéoraïta, lorsqu’il en retire du plaisir. Voir aussi le Baté Céhouna, tome 2 chap. 12. Ajoutons que selon le Rambane, l’avis du Rambam est que tout contact est interdit Midéoeaïta, même s’il n’est pas Dérèkh ‘Hiba
(16) Choute Iguérote Moché, Évèn Ha’ézèr tome 4 chap. 32 alinéa 9, qui précise qu’il est toujours à craidre le Dérèkh ‘Hiba Véhanaa. Voir aussi le Choute Iguérote Moché, Ora’h ‘Haïm tome 1 chap. 113, Yoré Dé’a tome 3 chap. 54
(17) Choute Iguérote Moché, Évèn Ha’ézèr tome 1 chap. 56, et tome 4 chap. 32. Voir aussi le Séfèr ‘Hassidim, chap.1090, qui interdit de serrer la main, et même si elle était enveloppée d’une étoffe ; voir aussi le Min’hate Its’hak, tome 5 chap. 27. Le ‘Ode Yossef ‘Haï, Halakhote Chana 1 Parachate Choftim, ainsi que le Sédé ‘Hémèd, tome 3 Ma’arékhèt Kouf Kéllal 7, se réfèrent au Séfèr ‘Hassidim pour l’interdir. Notons que le Iguérote Moché tente néanmoins d’être Dane Lékaf Zékhoute les Yiré Hachèm qui se permettent de serrer cette main tendue, n’accordant à cet acte rien de plus qu’une manifestation de civilité. Voir aussi le Choute Milé Déavote, Évèn Ha’ézèr tome 1 chap. 1, qui écrit qu’il ne faudra pas remettre en cause le comportement (Én Lé’ar-èr) de Talmidé ‘Hakhamim qui, de manière occasionnelle et lorsque c’est inévitable, se sentent contraints de se plier à ces normes ; mais quoi qu’il en soit, il faudra absolument l’éviter. Voir encore le Choute Dévar Yéhochou’a, tome 3 Évèn Ha’ézèr chap. 15 par. 7, qui conclue en interdisant, même lorsque le refus de serrer la main tendue infligerait des humiliations ; voir aussi le Taharate ‘Am Israël, page 44, qui mentionne le Steipélèr Zatsal, ramenant le ‘Hazone Ich Zatsal, qui stipulait que tendre la main était interdit au même titre qu’embrasser, et que c’était même Béguèdèr Yéharèg Véal Yaavor ; le Steipélèr Zatsal ajoute que ceci reste également valable lorsque le refus de serrer une main tendue causerait de la honte. En termes similaires, mentionne le Mo’adim Ouzémanim, tome 4 chap. 316 (dans la Hagaa) le ‘Hazone Ich Zatsal, précisant qu’aucune dispense ne pouvait être accordée Mipéné Darké Chalom.