Profaner le Chabbate et compter dans le « Minyane »

Chalom

Comment se comporter dans la Téfila (réponse aux Brakhote, au Kaddich et à la Kédoucha) avec un groupe de 10 personnes qui composent un Minyane et qui renferme une minorité de Mé'halélim Chabbate (ceux qui profannent le Chabbate). Je parle donc d'un cas où il ne se trouve pas 10 personnes Chomrim Chabbate dans ce Minyane. Doit-on faire une difference entre un Mé'halèl Chabbate Béfaréssia et celui qui ne l'est pas.
Merci

Rav Aharon Bieler
Rapportons les paroles du Rambam concernant le statut d’un « Mé’hallèl Chabbat Béfarhéssya » (personne qui profane le Chabbat en public) : « un Israèl qui profane le Chabbat en public ou qui s’adonne à l’idolâtrie est considéré comme un non juif à tous les niveaux » (1).
Cela sous-entend que de la même manière qu’un non juif ne peut compléter un « Minyane » (assemblée de 10 juifs en dessous de laquelle il est interdit de dire le Kaddich ou de sortir le Séfèr Tora, entre autre), un Mé’hallèl Chabbat ne peut être pris en compte pour atteindre ce nombre de 10 personnes.

Il n’est question ici que d’une personne qui transgresse le Chabbate en public.
Il faut préciser la définition du concept « Béfarhéssiya ». La notion de « en public » s’applique à un acte qui a été accompli devant 10 juifs respectueux de la loi, ou quand l’information va se propager et être entendu par 10 personnes (2).

Il convient d’ouvrir ici une courte parenthèse pour expliquer l’importance du Chabbate par rapport au statut d’un juif et son lien avec l’idolâtrie.
Par l’observance du Chabbate, une personne vient en quelque sorte témoigner que D. a créé la terre en 6 jours et que le septième il a mis fin à son œuvre créatrice en se « reposant ». C’est ce que l’on déclare chaque Chabbate au moment du Kiddouch.
Ainsi observer le Chabbate, est un acte qui équivaut à déclarer que D. existe et qu’il est à l’origine de la création.
Profaner le Chabbate (c’est-à-dire le remettre au niveau des autres jours de la semaine) revient donc à déclarer qu’il n’existe pas (« ‘Hasvéchalom ») de D. unique créateur du monde.
En cela, le profanateur du Chabbate, se rapproche de celui qui s’adonne de l’idolâtrie. Par conséquent, la profanation du Chabbate, qui est assimilé à la négation de D. et de sa Tora, fait perdre au juif ses prérogatives au sein de la communauté (3).

L’avis du Rambam, ramené précédemment est suivi de façon quasi unanime par les décisionnaires (4).

Bien que la Halakha stipule clairement qu’une personne qui profane le Chabbate ne compte dans le Minyane, il convient dans la pratique de nuancer sensiblement les choses pour plusieurs raisons.

Pour entrer dans la catégorie du profanateur du Chabbate qui perd sa qualité de juif comptant dans le « Minyane », il faut transgresser le Chabbate consciemment et en toute connaissance de cause, c'est-à-dire en sachant clairement la nature de l’interdiction et la gravité fondamentale de la transgression.

Or, d’après de nombreux décisionnaires, à notre époque, la plupart des personnes transgressant le Chabbate sont considérées comme « Tinok chénichba bèn hagoïm » (littéralement enfant captif chez des non juifs), et non pas comme des renégats qui ont rejeté la Tora.
Le concept de « Tinok chénichba » défini la situation d’une personne qui fut capturé alors qu’il était enfant et fut élevé totalement en dehors de la connaissance du judaïsme.
Celui-ci est donc amené à transgresser régulièrement toutes les Mitsvote et en particulier le Chabbate.
Toutefois il ne le fait pas par opposition à la Tora de son créateur mais simplement par ignorance de l’interdiction.
De même de nos jours la majorité des personnes qui transgressent le Chabbate le font par inconscience totale des conséquences néfastes de leurs actions pour eux même et pour les autres. Ceci, même si le Mé’hallèl Chabbate connaît, en gros, la nature de l’interdiction car il n’en connaît pas les détails et les raisons donc son importance.

En bref il est considéré bien plus comme un ignorant que comme un pécheur (5).
Il est par ailleurs rapporté au nom du Rav Chmouel Aeurbach (6) qu’il est bien évidemment préférable de prier dans un Minyane de juif pratiquant. Toutefois en cas d’impossibilité, on pourra s’appuyer sur ceux qui les considèrent comme « Tinok chénichba » en particulier de nos jours ou une majorité de nos coreligionnaires sont dans ce cas.
Bien que le « ‘Hilloul Chabbate » (profanation du Chabbate) soit en lui-même très grave, en cas de nécessité absolue, on pourra être transigeant en s’efforçant d’éviter au maximum d’attrister ou de peiner des personnes dans cette situation et surtout de les éloigner de la Tora (7).
A cela il faut ajouter l’avis du Or Létsiyone selon lequel si le Mé’hallèl Chabbate éprouve de la honte et se retient de transgresser le Chabbate quand il est en présence d’une personnalité importante, il y a lieu de l’intégrer dans le compte du Minyane (8).

Il faut par ailleurs préciser qu’il n’y a pas lieu d’enquêter sur une personne à propos de laquelle il y aurait des doutes quant à son observance du Chabbate, pour savoir s’il a effectivement transgresser des interdictions de la Tora en public devant 10 juifs Kéchérim (9).
En cas de necessité, on pourra donc l’intégrer au « Minyane ».

Le Rambam rapporte dans sa fameuse lettre « Iguérèt Hachemad » les propos suivants : «Ainsi il ne serait pas convenable de repousser ni de répudier les personnes profanant le Chabbate, mais bien au contraire il faut faire en sorte de les rapprocher et de les aider à retourner dans le giron de la Tora et des Mitsvote. Nos sages ont déjà expliqué qu’une personne ayant transgressé avec la ferme volonté d’agir ainsi, lorsqu’elle rentre dans une synagogue pour prier, ne devra d’aucune manier être rejeté ni de subir d’affront de la part de l’assemblée. Cela, en référence aux merveilleux propos de Chlomo Hamélèkh : « ne repousse point le mécréant car il n’est venu que pour grappiller des Mitsvote en cachette ».

Il ressort de ses paroles qu’il faut les accepter, mais cela ne prouve pas qu’on puisse compléter avec eux un Minyane.

Par contre il ne faut pas les honorer particulièrement en leur attribuant des Mitsvote comme la « Hagbaha » (présentation de la Tora) ou la « Guélila » et encore moins de les appeler à la Tora (10).

Précisons, que tout ce qui a été dit précédemment ne concerne que celui qui faute « Létéavone » (pour assouvir ses désirs). C’est à dire par faiblesse, par confort, pour satisfaire un plaisir ou parce qu’il croit que c’est une nécessité économique.

Par contre s’il transgresse «Léakh’isse» dans le but de provoquer, d’agacer, de s’opposer ouvertement à la Tora, il ne peut en aucun cas être pris en compte pour compléter un « Minyane ». La règle est la même si la personne profane le Chabbate ou si elle transgresse n’importe qu’elle Mitsva (Sans rapport avec le Chabbate) (11).

Tenant compte de ce qui précède, la question est de savoir si votre « Minyane » est un « Minyane » valable selon la Halakha ou non.
Si l’on prend en considération que de nos jours, on n’exclue réellement que les cas extrêmes cités plus haut, cela est probable.
Vous pouvez donc répondre aux « Bérakhote » de la répétition de la « ‘Amida », au « Kaddich », à la « Kéddoucha ».

Si dans le « Minyane » ne se trouvent pas dix personnes qui puissent être incluses selon les critères évoqués précédemment, vous ne pouvez pas sortir le « Séfèr Tora », faire la répétition de la « ‘Amida », ou dire le « Kaddich ».
Si cela se produit quand même, vous ne devez pas y répondre.

Kol Touv
1) Rambam Hilkhote ‘Irouvine chap. 2 Halakha 16
2) Michna Béroura chap. 385 alinéa 4, voir le Pléti Yoré Dé’a chap./ 11 à la fin de l’alinéa 2 qui comprend que d’après le Rambam il n’est pas nécessaire qu’i y ait 10 personnes. Voir aussi le Iguérote Moché Yoré Dé’a tome 2 chap. 47 début de citation « Véim »
3) Voir Iguérote Moché Ora’h ‘Haïm tome 3 chap. 22 ; voir aussi Rachi ‘Houline 5a début de citation « Ela lav »
4) Or létsiyone tome 2 chap. 20 question 5 ; Michna Béroura chap. 55 alinéa 46 au nom du Péri Méguadim. A noter toutefois l’avis différent du Iguérote Moché
5) ‘Hazone Ich Ora’h ‘Haïm chap. 87 alinéa 14 et Yoré Dé’a chap. 2 alinéa 28 ; Choute Mélamèd lého’il Ora’h ‘Haïm chap. 29 au nom du Rav Choèl Ouméchiv
6) Kovèts Mévakché Tora Sivane 5758 chap. 163
7) Min’hate Chélémo tome chap. 4
8) Or létsiyone tome 2 chap. 20 question 5 ; voir aussi la Guémara ‘Erouvine 69a
9) Tsits Eli’ézèr tome 8 fin du chap. 18 au nom de Rabbi ‘Akiva Eiger sur Yoré Dé’a chap. 264 par. 1. Selon cet avis, quelqu’un qui transgresse uniquement des interdictions d’ordre rabbinique le Chabbate n’est pas considéré comme un renégat qui a rejeté l’ensemble de la Tora. C’est également du Péri ‘Hadach
10) Iguérote Moché Ora’h ‘Haïm tome 3 chap. 21 et 22
11) Choul’hane ‘Aroukh chap.55 par.11 et Michna Béroura chap. 55 alinéa 46 au nom du Péri Méguadim.