Du Lachone Hara’ permis ?

Bonjour,

Est ce du Lachone Hara’ de faire des comparatifs sur deux fabricants ou commerçants concurrents et d'en conclure publiquement "qu'untel est moins bon que untel".
Il est mentionné que le Lachone Hara serait permis si il y avait perte d'argent, ou escroquerie etc.
Peut-on parler de perte d'argent, si on avait pu acheter quelque chose de mieux?

Merci!

Rav Emmanuel Boukobza
Il serait bon dans un premier temps de définir succinctement l'interdit du Lachone Ara. Il est interdit de tenir des propos négatifs sur un individu, même si ce que l'on rapporte est absolument vrai.

Si, dans le récit que l'on fait, il se trouve des éléments mensongers et qu'à cause de cela la honte causée à notre prochain est plus importante, on transgresse l'interdit de Motsi Chèm Ra’ et la faute commise est alors beaucoup plus grave (1).

L'interdit de raconter du Lachone Ara ne s'applique qu'à celui qui entre dans le cadre de l'appellation ’Amitékha (2), c'est-à-dire celui, qui, comme nous, accomplit les Mitsvote de la Tora.

A l'inverse, c'est une Mitsva de la Tora de mépriser les gens dont il est connu qu'ils sont des Apikoross, (hérétiques), que ce soit en leur présence ou en leur absence, au sujet de tout ce que l'on voit ou entend sur eux. Bien qu'il soit écrit dans Vaïkra, 25, 17 « Vous ne vous offenserez pas l'un l'autre » et « Tu n'iras pas colporter de médisance dans ton peuple ». Il n'est ici question que de Juifs se comportant en conformité avec la Tora.

Or les Apikoross n'entrent pas dans ce cadre. Il est dit à leur propos dans Téhilim 139, 21 : "N'est-ce pas que je déteste ceux qui Te détestent et que je cherche querelle à ceux qui se dressent contre Toi ?"

Est appelé Apikoross celui qui nie l'authenticité de la Tora et de la prophétie d'Israël, qu'il s'agisse de la Tora écrite ou de la Tora orale. Entre dans ce cadre même celui qui affirme que toute la Tora est Mine Hachamaïm (vient du Ciel) à l'exception d'un seul verset, d'un Kal Va'homèr (raisonnement a fortiori) ou d'une Guézera Chava (raisonnement par analogie).
Cet interdit concerne donc exclusivement les Juifs. De ce fait, il sera permis d'établir une comparaison en public de deux marques de produits appartenant à des non juifs.

Mais si, à l'inverse, il s'agit de marques appartenant à des Juifs, la réponse est plus nuancée. Il en est de même s'il s'agit de comparer le travail de deux artisans juifs ou de deux commerces tenus par des Juifs.

Il est permis de se renseigner sur la valeur et le sérieux d'une marque, d'un artisan ou d'un commerce dans la mesure où cette démarche vise un but utile (Léto’élèt). Même si cela impose le fait d'interroger des gens avec le risque d'entendre des propos négatifs sur l'objet de l'enquête.

Avant d'informer une tierce personne sur la valeur d'une marque, d'un artisan ou d'un commerce, les critères suivants devront être remplis :
a) Il existe véritablement un problème ou une déficience ; il faudra prendre le temps nécessaire à la réflexion.
b) Même s'il existe un problème, on ne l’exagérera pas lors de sa description.
c) Le but de la démarche doit être Léto’élèt, c'est-à-dire avoir une utilité, en l'occurrence prémunir un tiers contre une perte financière ou autre.
Il est interdit de relater les problèmes avec un sentiment de haine ou de vengeance dans le cœur.

Il existe quoi qu'il en soit une obligation de prémunir son prochain contre une perte financière, une escroquerie ou toute autre forme de préjudice. En effet, il est dit « Lo Ta’amod ‘Al Dam Réékha » (Tu ne resteras pas impassible devant l'effusion de sang de ton prochain).

Le sens premier du verset désigne l'interdiction de rester indifférent devant la tentative de porter atteinte à la vie de son prochain. Cependant, ce verset pris au sens large exprime l'interdiction en général de rester impassible devant le risque d'un préjudice causé à son prochain.

Kol Touv
Nous ne pouvons conclure sans toutefois évoquer à la fois la gravité du Lachone Ara’, ainsi que l'importance de s'en préserver. Celui qui dit du Lachone Ara’ peut transgresser jusqu'à 17 interdictions de la Tora et s'abstenir d'accomplir jusqu'à 14 commandements positifs.

L'homme a été doté du Koa'h Hadibour (la parole) et doit utiliser cette faculté uniquement pour servir son Créateur. De la sorte, l'étude de la Tora et la Téfila (prière) seront agréées devant Hachèm Yitbarakh.
1) Séfèr 'Hafèts 'Haïm, Lois sur le Lachone Ara, principe 1
2) Séfèr Halakhote Lachone Hara’ Ourékhiloute, alinéa 1 (basé sur le Séfèr 'Hafèts 'Haïm)
3) Séfèr Nétsor Léchonekha, basé sur le 'Hafèts 'Haïm, chap. 4, alinéa 14