La Chémita et la foi en D.

Bonjour, Ma question concerne la Chemita.
Comment ce fait-il qu'il existe des lois comme le Prouzboul (permettant de récupérer l’argent malgré l’annulation des dettes par la Tora), Otsar Bèt Din (Réserve du Bèt Dine), etc..., qui vont à première vu a l'encontre de l'essence même de la Mitsva de la Chemita (Acquérir une Émouna en D. inébranlable).

En effet, on a pu trouver plusieurs éléments « dérivants » souvent permis par la Halakha, et qui engendrent « comme l'annulation » de la Mitsva.
Exemple: Selon, certains décisionnaires, on a le droit de vendre la terre a un non juif (Hétèr Mékhira) afin de se déposséder de la terre et de profiter ainsi des fruits de la Chemita.

De même, la Takana (le décret) de Hillel, qui a institué le Prouzboul, a enlevé l'idée de la Mitsva de Chemitate Késsafim (annulation des dettes) afin que les gens puissent continuer a prêter (enlever une Mitsva, pour en faire une autre...)

En fait, pour résumer ma question : comment vivre la Mitsva de la Chémita (afin d'augmenter sa Émouna envers son Créateur) avec toutes les permissions Halakique qui permettent de la déjouer ?

C'est un peu comme vouloir donner son Ma’assèr a son collègue de travail, et que lui fasse de même, pour retomber chacun sur ses pattes, et avoir 'accomplit' cette Mitsva qui est aussi symbole d'Émouna...!) Merci de m'éclairer sur cette Mitsva et son but. Car malheureusement, à première vue, elle semblerait contraignante, au prix de vouloir y trouver des solutions pour la contourner!

Rav Michael Kottek
Votre question prouve votre sincérité. Vous voulez réellement profiter de cette Mitsva qui n’est pas courante pour renforcer votre Émouna. Il est vrai que se sont surtout les agriculteurs qui sont concernés par cette Mitsva qui est de nos jours Dérabanane (d’ordre Rabbinique).
Mais à notre époque, chacun peut s’y associer en cotisant au fond du « Kérèn Chivi’ite » qui aide financièrement les agriculteurs ayant abandonné leurs terres et en achetant des fruits provenant du Otsar Bèt Dine.

Il faut savoir que pour le Otsar Bèt Dine cela ne résout entièrement le problème, mais minimise les pertes.
A propos du Hétèr Mékhira (qui consiste à vendre la terre à un non juif pendant l’année de la Chémita), il faut savoir que cela ne permet pas de faire les travaux interdits selon la Tora, (même si la Mitsva n’est de nos jours que Dérabbanane), comme par exemple semer, planter, tailler la vigne, labourer, couper (voir notre dossier).

Ce Hétèr Mékhira a été institué à l’époque où il y avait en Érèts Israël des problèmes économiques graves. On le perpétue de nos jours pour les agriculteurs qui n’observent pas les Mitsvote afin qu’ils ne transgressent pas des fautes trop graves (si on admet que la vente est efficace).
Evidement, il est conseillé d’éviter dans la mesure du possible de consommer des légumes qui ont été plantés et cueillis en se basant sur ce « Hétèr ».
Pour les fruits, on peut consommer ceux qui ont été récoltés par un Otsar Bèt Dine. Dans ce cas il faudra il faudra observer les lois particulières qui concernent la sainteté de ces fruits (Kédouchate Chévi’i’te).

Voyons maintenant le problème du « Prouzboul » que Hillèl a institué pour contourner la Mitsva d’annulation des dettes à la fin de la Chémita (1).
Rappelons que de nos jours la Mitsva de la Chémita est Dérabanane car il est évident que nos Sages ne peuvent pas annuler une Mitsva de la Tora (sauf pur le Chofar et le Loulav le jour de Chabbate afin de ne pas transgresser celui-ci).

Lorsque Hillèl a vu qu’à cause de cette Mitsva Dérabbanane, les gens arrêtaient de prêter de l’argent aux nécessiteux, ce qui une Mitsva de la Tora, il a donc institué le « Prouzboul ».

Il est clair qu’il est préférable de sauvegarder une Mitsva de la Tora (prêter à autrui) plutôt que d’accomplir une Mitsva Dérabbanane (annulation des dettes).

Si l’on veut d’une certaine manière garder cette Mitsva, on peut même de nos jours prêter une petite somme (ou une grande si vous le désirez) avec l’intention de ne pas écrire un « Prousboul » à son sujet.
Par conséquent, lorsque l’emprunteur voudra vous rendre le prêt vous pourrez lui dire : « j’accompli la Mitsva de Chémita de l’argent » et de ce fait vous annulerez la dette de l’emprunteur.

Le Bèn Ich ‘Haï rapporte que certaines femmes avaient l’habitude de prêter quelques aliments à leurs voisines et ensuite quand elles venaient leur rendre, elles leur déclaraient : « j’accompli la Mitsva de Chémita de l’argent ».
En effet, c’est valable aussi bien pour de l’argent que pour le prêt d’un objet qu’on va rendre en le remplaçant par un autre équivalent, comme c’est le cas lorsque l’on prête des aliments tels que le pain, lait etc.

A noter : nous avons cité l’avis du Séfèr Ha’hinoukh (2) selon lequel même de nos jours où la Chémita est Dérabanane (d’ordre Rabbinique), si quelqu’un refuse de prêter à autrui avant ou pendant la Chémita, il transgresse la Mitsva de la Tora ainsi qu’il est mentionné : « Garde-toi d'avoir en ton cœur une mauvaise pensée et de te dire: « la septième année, l'année de la remise, est proche ». Tu pourrais regarder d'un mauvais œil ton frère indigent et ne rien lui donner; alors il invoquerait contre toi le Seigneur et il y aurait en toi péché » (3).

Kol Touv.

1) voir Guémara Guitine 36a et Ramabam Hilkhote Chémita chap. 9 Halakha 16
2) Mitsva 480
3) Dévarim 15-9