Ne pas donner le pain dans la main

Bonjour,

Concernant le fait de ne pas donner le pain dans la main de la personne, l'interdiction porte t’elle uniquement sur la personne qui est le Mévarekh (celui qui fait la bénédiction sur le pain et le distribue) et qui ne doit pas donner le pain dans la main des autres convives.
Ou bien est-il aussi interdit pour un convive de remettre à un autre convive le pain dans la main (pour faire passer le morceau à son destinataire) ?

Rav Aharon Bieler
A propos du sujet que vous abordez, le Choul’hane Aroukh (1) s’exprime ainsi : « Celui qui coupe le pain, donne une tranche devant chacun, et chacun la prendra en main ; mais il ne donnera pas le pain dans la main de celui qui le consomme, à moins que le convive ne soit Avèl ».

En effet, le Avèl (statut définissant la personne en deuil durant la semaine suivant l’enterrement), à cause de la douleur qu’il éprouve, n’a pas d’appétit. On lui donnera donc le pain dans la main afin de l’inciter à manger (2).

On trouve une allusion au fait de donner dans la main d’une personne inconsolable, en l’occurrence l’endeuillé, dans un verset du livre des Lamentations (3): « Parssa Tsyone Béyadéa, Én Ména’hèn La » (Sion tend les mains : personne ne la console) (4).

Ainsi on ne donnera pas le pain dans la main d’un convive non Avèl pour ne pas le comparer à un endeuillé et ne pas lui donner une « mauvaise chance » (En quelque sorte pour ne pas attirer sur lui un mauvais sort) (5).
Notons qu’il n’y a pas là d’interdit mais plutôt un mauvais signe(6).

Ceci dit, on voit que tout le problème consiste à ne pas mettre quelqu’un dans la situation d’un endeuillé. C'est-à-dire de ne pas se conduire avec lui comme s’il était un endeuillé, afin que ce ne soit pas pour lui un mauvais présage.

Or quand on donne dans la main d’un endeuillé c’est uniquement pour l’encourager à manger. Cela ne concerne donc que la personne à laquelle le morceau de pain était destiné afin qu’il le consomme.
C’est donc uniquement à la personne qui va manger le morceau de pain qu’on ne remettra pas celui-ci dans la main. Peu importe qui donne le morceau au consommateur ; que ce soit celui qui a fait la bénédiction et distribue le pain, ou n’importe quel convive à qui on a transmis le pain afin qu’il le remette à son destinataire.

Remettre le pain dans la main d’un autre convive afin qu’il le transmette son destinataire ne fait de lui qu’un « livreur » et ne pose donc pas de problème. En tout cas , pas plus que lorsque le boulanger vous remet dans la main la baguette que vous venez d’acheter.

Tout ceci est conforté par le langage précis du Choul’hane Aroukh (7) que nous avons précédemment cité : « …mais il ne donnera pas le pain dans la main de celui qui le consomme, à moins que le convive ne soit Avèl. »

Rappelons que le Chabbate, même à un Avèl, on ne donnera pas dans la main car on ne doit pas montrer de signe de deuil en publique le Chabbate. (8).

Précisons également qu’en aucun cas on ne jettera le pain sur la table pour le transmettre à une autre personne, comme il est clairement stipulé dans le Choul’hane ‘Aroukh (9)

Kol Touv
1) Ora’h Haïm chap.167 par. 18
2) Divré Sofrim au non du Yéfé lélav chap.384
3) Chap. 1 verset 17
4) Choute Harachba tome1 chap. 278, voir sur place le langage
5) Michna Béroura chap.167 alinéa 90 au nom du Élyahou Rabba
6) ‘Aroukh Hachoul’hane Ora’h Haïm chap.167 par. 31
7) Ora’h Haïm chap.167 par. 18 ; voir aussi le ‘Aroukh Hachoul’hane Yoré Dé’a chap.378 par.13 qui s’exprime dans le même sens
8) Michna Béroura chap.167 alinéa 89
9) Ora’h ‘Haïm chap.171 par.1 ; ‘Aroukh Hachoul’hane Ora’h Haïm chap.167 par.31