Quand une habitude devient une obligation

Kvod Harabanim

Pouvez vous m’éclairer sur les "obligations implicites" que l’on se crée. En effet, je crois savoir que si l’on pratique certains actes trois fois de suite, cela a valeur d’engagement.

Par exemples :
On m’a dit que si on fait 3 fois de suite la Bérakha "Achèr Yatsar..." avec un Kéli (un ustensile) il faudrait toujours pratiquer ainsi. Si on a pris l’habitude de rendre visite à sa mère le dimanche matin, est-ce devenu un engagement (peut-on manquer de temps en temps si on a une raison, changer de jour etc...).

Quelques questions permettant de mieux maîtriser cet aspect de Tora et Mitsvote :

Quelle est la source de cette règle ( Déroaïta, Dérabanam….)?
Si on change d’habitude qu’est-ce qu’on "transgresse", faut-il faire Téchouva…. ?
Quel est son champ d’application, quels actes sont concernés ?
Quel est son mode opératoire : l’engagement prend-t-il effet même si dans son esprit on n’avait rien de précis etc… Si les circonstances empêchent de réaliser l’acte habituel (dans l’exemple choisi : on n’a pas de kli à la sortie des toilettes) est-on dégagé de l’engagement implicite.
Comment se libère-t-on d’un tel "engagement" ?
Que faire pour ne pas tomber dans cet écueil de s’engager sans le savoir avec le risque de fauter : peut-on par une formule générale dire que "je ne serais engager que par les habitudes pour lesquelles je prendrais un engagement explicite et verbal".

Un grand merci pour vos enseignements et KOL TOUV

Rav Aharon Bieler
Votre question est très intéressante car elle aborde des situations fréquentes, qui peuvent engager un homme pour une vie entière, et fait référence à des Halakhote très peu connues.
Toutefois, le sujet est particulièrement vaste et ne peut en aucun cas être traité dans le cadre de cette réponse.
Nous nous bornerons donc à donner certains principes fondamentaux qui régissent les lois de certains comportements qui nous engagent au même titre que des Nédarim (Vœux - engagements).

Une personne qui a commencé à se comporter d’une certaine manière à propos d’un sujet particulier (1), se trouve dans l’obligation de continuer à se comporter de la même manière dans l’avenir, comme si elle en avait émis le vœu.
Aussi, elle ne pourra pas se déroger à cette habitude (Minhag) sans avoir fait auparavant Hatarate Nédarim (procédure d’annulation des vœux) (2).

Nous allons maintenant tenter de préciser cette formule générale.

Accomplir un acte une seule fois, mais avec l’intention de le répéter dans l’avenir, est considérée comme l’acceptation sur soi d’un Minhag que l’on ne pourra plus transgresser par la suite (3).

Accomplir un acte trois fois (4), même sans intention particulière et sans projection sur l’avenir, est considéré par la majorité des Décisionnaires comme l’acceptation d’un Minhag (5).

D’après la majorité des Décisionnaires, cette loi, selon laquelle l’acceptation du Minhag lui confère le caractère d’un vœu, est d’origine Rabbinique (6).

Il ressort de ce qui précède qu’une personne qui a entamé un certain comportement trois fois de suite, ou une fois mais avec l’intention de continuer, aura l’obligation de poursuivre dans cette voie (7).

C’est pourquoi il convient que celui qui commence pour la première fois dans un Minhag particulier, proclame auparavant qu’il n’accepte pas sur lui cet acte en tant qu’engagement (8) afin de ne pas en arriver à enfreindre les lois de Nédarim (vœux).
D’après de nombreux Décisionnaires, il devra de surcroît préciser qu’il n’a l’intention de réaliser cet acte que cette fois-ci, ou quand il le désirera, mais pas pour l’Eternité (9).

Celui qui s’est engagé dans un Minhag et désire à présent annuler cette habitude, doit se faire délier de son engagement devant trois personnes (dans certains cas se sera possible devant une seule personne si elle est Talmid ‘Hakham -érudit). Il proclamera devant elles son regret de s’être engagé dans cette voie et elles le délieront de son habitude (selon une procédure déterminée), de la même manière qu’on le ferait pour un vœu (10).

Celui qui dans une circonstance particulière ne sera pas en mesure de se comporter selon son habitude, devra à priori faire Hatarate Nédarim comme il est stipulé plus haut (11).

Toutefois en cas d’impossibilité (quand il ne trouve personne pour le délier de son vœu), il lui sera permis d’enfreindre son habitude pour cette fois uniquement, même sans Hatarate Nédarim (12).

Kol Touv
1) Tour et Choul’hane ‘Aroukh Yoré Dé’a chap. 1 ; Béraïta dans Guémara Nédarim 15a
2) Tour et Choul’hane ‘Aroukh Yoré Dé’a chap. 1 selon l’avis du Maharam de Rothenburg
3) Tour et Choul’hane ‘Aroukh Yoré Dé’a chap. 1 selon le Mordékhi et le Hagaote Maïmoniote
4) car la répétition d’un acte trois fois lui donne le statut d’habitude. Notons toutefois que certains considèrent que ce statut est atteint à partir de deux fois seulement. Voir Rav ‘Haïm Paladji dans son Choute Sémikha Lé’haïm Évèn Ha’ézèr chap. 8 début de citation « Végam »
5) Choul’hane ‘Aroukh Hagraz chap. 249 par. 3 et chap. 468 par.17 ; Kitsour Choul’hane ‘Aroukh chap. 67 par. 7 ; Kaf Ha’haïm chap. 417 alinéa 25 ; Notons cependant que certains parmi les derniers Décisionnaires pensent que la répétition d’un acte trois ne lui confère le statut de Minhag que si l’on a l’intention de continuer dans cette voie comme il ressort du Choute Chéélate Ya’abéts tome 1 chap. 6 début de citation « élé »
6) Le Ba’h chap. 214 par. 1 ; le Choute Maharchadam Yoré Dé’a chap. 40 début de citation « A’haré » ; Le Birké Yossèf ; Rav ‘Haïm Paladji dans Nichmate Kol ‘Haï Yoré Dé’a chap. 46 et ‘Aroukh Hachoul’hane chap. 214 par. 5
7) Choute Min’hate Its’hak chap. 17 début de citation « Véhiné »
8) Bèt Yossèf et Choul’hane ‘Aroukh chap. 214 par. 1 et ‘Hida dans son commentaire Brite ‘Olam sur le Séfèr Ha’assidim chap. 1059
9) Bèt Yossèf et Choul’hane ‘Aroukh chap. 214 par. 1. Rappelons toutefois que certains n’exigent pas cette dernière condition tels que le Lévouch chap. 214 par. 1
10) Tour et Choul’hane ‘Aroukh Yoré Dé’a chap. 1
11) Michna Béroura chap. 581 alinéa 19 et Cha’ar Hatsiyoune chap. 581 alinéa 33 ; Voir Chakh Yoré Dé’a chap. 214 alinéa 2
12) Dagoul Mirvava Yoré Dé’a chap. 214 ; Choute ‘Hatam Sofèr fin du chapitre 3