Sauver son prochain d'un préjudice sans faire de Lachone Hara'
Comment prévenir une personne de se méfier d'une autre (pour laquelle on a des preuves de sa roublardise) sans faire du Lachone Hara' (médisance).
Merci
Rav Meir Cahn
Le cas que vous évoquez est explicitement traité dans le ‘Hafèts ‘Haïm (1), qui expose cette Halakha de la manière suivante :
Un homme, voyant que son ami a l’intention de s’associer avec un tiers, et estimant que cette association lui sera sans aucun doute préjudiciable, sera tenu de l’en avertir pour le sauver de cette situation.
Il s’agit ici d’une obligation véritable. Ne pas s’y conformer entraînerait la transgression de l’interdit de la Tora : « Tu ne te contiendras pas face au sang de ton prochain ». (2)
Ce devoir est toutefois soumis à cinq conditions restrictives.
Précisons avant même de les détailler qu’il faut particulièrement s’appliquer à vérifier la présence de ces conditions, sans lesquelles cette Mitsva se transformerait inévitablement en un interdit formel de médisance et de colportage.
A. Il y a tout d’abord lieu de s’assurer que les conséquences de cette association seront réellement néfastes et au dépens de la personne concernée. En aucun cas on ne se basera sur des estimations approximatives.
B. Il est absolument interdit d’exagérer les faits dans quelques mesures que ce soit.
C. L’avertissement doit être exprimé dans l’unique intention d’éviter des préjudices à son prochain, et ne doit nullement être suscité par un sentiment malveillant. En outre, plusieurs points méritent d’être soulevés à ce sujet :
• On ne peut se soustraire de ce devoir en prétextant que l’on craint d'éprouver des intentions malveillantes. Chacun doit se contraindre, au moment de l’avertissement, de n’avoir qu’une intention pure et positive.
• Hormis l’intention requise, il faut tenter de s’assurer, dans la mesure du possible, que la personne concernée, une fois avertie, acceptera les faits et annulera par conséquent l’association.
Dans le cas inverse, il est interdit de lui relater l’objet des soupçons.
En effet, il arrive bien souvent qu’une fois l’association établie, une querelle éclate à un moment donné entre les deux collaborateurs, et il s’avère qu’inévitablement, le premier tance le second en l’invectivant et en mentionnant que l’avertissement reçu de la bouche de untel auparavant s’avère tout à fait exact…
En fin de compte, cet avertissement n’a eu pour conséquence que de provoquer la profération d’une médisance. Il reste donc préférable de ne rien dire dans ce cas, quitte à ne pas soustraire son ami des dégâts prévisibles.
• Il est également interdit d’émettre un tel avertissement à une personne susceptible d’aller raconter à son entourage qu’untel lui a révélé ces faits, et d’en venir de la sorte à provoquer une polémique générale. Il en va de même si l’on estime que lorsque le second associé le questionnera sur les raisons de l’annulation de l’association, le concerné lui dévoilera qu’untel lui a révélé les risques qu’entraîneront une association avec lui. Dans ce cas aussi, le danger de polémique annulerait l’obligation d’avertissement.
D. S’il est possible d’obtenir le même résultat, (c'est-à-dire que l’association soit annulée), par un autre moyen, sans requérir nécessairement à la profération de médisance, il est interdit d’agir ainsi, et la seconde alternative doit être privilégiée.
E. Dans le cas où l’avertissement pourrait engendrer plus de dégâts au second associé que le seul fait d’annuler l’association, il est interdit d’en aviser le premier associé. Par exemple, si l’association a déjà été conclue, et que son annulation implique des pertes pour chacune des parties, le devoir d’avertir le premier ne peut occulter les dégâts causés au second.
En revanche, le fait d’empêcher l’association de voir le jour n’est pas considéré comme une perte patente. (3).
Kol Touv
1) Hilkote Rekhiloute chap. 9, 1
2) Béèr Maïm ‘Haïm 1
3) Tiré du livre Dérèkh Béroura, sur le ‘Hafèts ‘Haïm.