Faire une bénédiction en marchant

Bonjour,
Si l'on mange dehors en marchant, doit-on continuer à marcher pour faire la Bérakha A’harona?
Merci

Rav Aharon Bieler
Le Choul'hane 'Aroukh (1) nous enseigne la loi suivante : « Il faut être assis lorsque l’on prononce la bénédiction (du Birkate Hamazone) ; et peu importe s’il marchait dans sa maison lorsqu’il mangeait, ou s’il était debout ou accoudé, au moment de la bénédiction, il lui faudra s’asseoir afin qu’il puisse mieux se concentrer. Il ne faudra pas non plus être accoudé, car c’est une marque d’orgueil, mais il devra s’asseoir avec crainte ».

Le Rama précise : « cependant, s’il n’a pas agi ainsi, même s’il a fait la bénédiction en marchant, il se rend quitte de la bénédiction a posteriori ».

Cette loi se retrouve concernant la bénédiction « Mé’én Chaloch » (bénédiction finale comportant trois parties qui sont inspirées du Birkate Hamazone et que l’on fait sur les gâteaux, les olives, les dattes, les raisins, les figues, les grenades, et le vin)(2), qui doit être également prononcée en position assise.

On y retrouve une seconde précision, selon laquelle une personne qui marcherait en chemin tout en mangeant, ne devra pas nécessairement s’asseoir pour la bénédiction, du fait qu’il ne peut la réciter à tête reposée. Le Michna Béroura (3) indique que ceci n’est pas valable pour une personne qui aurait mangé en chemin en position assise, mais uniquement pour celle qui aurait mangé en marchant concrètement, qui ne devra pas nécessairement s’asseoir du fait qu’il ne pourra se concentrer, à cause du retard engendré du fait de la bénédiction.
Un autre point est rapportée par le Michna Béroura (4), selon qui, tous les avis s’accordent à penser que la bénédiction « Mé’én Chaloch » que l’on prononce sur la consommation des cinq espèces de céréales devra impérativement être dite en position assise ; telle semble également être sa conclusion pour la Halakha.
Cette loi trouve son origine dans une Guémara (5) :
« Rabbi Abahou, rapporte l’enseignement suivant : celui qui mange en marchant, pourra faire la bénédiction debout ; et celui qui mange debout, devra s’asseoir pour bénir ; et s’il est accoudé pour manger, il se rassiéra pour bénir. Mais la Halakha est que dans tous les cas, il devra s’asseoir pour bénir ».
Les Tossfote (6) précisent que cette loi n’est valable que pour le « Birkate Hamazone », qui une Mitsva de la Tora. En revanche, les autres bénédictions d’ordre rabbinique ne sont pas astreintes à cette condition. Telle est également la position de Rabbénou Yona (7), qui indique que la lecture du Chéma’ peut être récitée en marchant étant donné que seul le premier verset constitue une Mitsva de la Tora. Ce dernier devant évidemment être récité en cessant de marcher. Ensuite, le reste du « Chéma’ » pourra être dit en marchant (8), mais pour le « Birkate Hamazone », qui est une bénédiction par ordre de la Tora, il faudra obligatoirement être assis.

Il apparaît donc que toute bénédiction instaurée par les Sages peut être récitée en marchant, même a priori (9). C’est également ce qui semble ressortir du Michna Béroura rapporté plus haut, qui stipule que la bénédiction « Inspirée des trois » devra également être dite assise a priori, alors que pour les autres bénédictions, aucune indication dans le Choul'hane 'Aroukh n’affirme qu’elles aient également le même statut. Toutefois, le Kaf Ha’haïm (10) ainsi que le Bèn Ich ‘Haï (11) estiment qu’il est tout de même préférable, pour toute bénédiction récitée, de le faire assis (12).
Pour le « « Bikate Hamazone », ainsi que pour la bénédiction « Mé’én Chaloch » selon certains avis, il faut être précisément assis. En revanche, une personne qui serait importunée par le fait de réciter cette bénédiction assis, comme par exemple celle qui serait en déplacement, et pour qui le retard causé peut être gênant, pourra faire la bénédiction en marchant.
De même, a posteriori, on sera quitte de ces bénédictions si on les prononce debout.

Quant aux autres bénédictions, on peut les faire a priori debout, mais il est tout de même préférable de s’appliquer à le faire assis.

N.B. : Il existe une autre catégorie de bénédictions, qui sont celles que l’on récite sur l’accomplissement d’une Mitsva, qui elles, nécessitent d’être prononcée debout, comme c’est le cas pour le Talite et la Mila (13) ; nous ne nous sommes pas penchés ici sur cet aspect des bénédictions.

Kol Touv
1) Ora’h ‘Haïm 183, 9
2) Ibid. 11
3) Idem 36
4) Idem 35 au nom du Gaon de Vilna
5) Bérakhote 51b
6) Début de citation « Véhilkhéta »
7) Page 38b dans le Rif, début de citation « Okhèl »
8) Telle est également la conclusion du Choul'hane 'Aroukh Ora’h ‘Haïm 63 par. 3 ; voir également les par. 1 et 4
9) Toutefois, la prière de la ‘Amida et la bénédiction dite en chemin nécessitent qu’on les dise a priori à l’arrêt ; cependant, si le retard pris en chemin peut causer une gêne, il sera permis de les prononcer, à défaut de mieux, en marchant (Choul’hane ‘Aroukh Ora’h ‘Haïm chap.94 par. 4 et chap.110 par. 4)
10) Ibid. 163, 51
11) ‘Houkate 4
12) Tel est également l’avis du Péri Mégadim, dans son introduction aux lois sur les bénédictions, par.18 ; précisons au demeurant que pour éviter de nous retrouver face à une contradiction entre ces avis et celui de Rabbénou Yona, qui n’exige d’être assis que pour les bénédiction de la Tora, il nous faut interpréter leurs paroles comme l’expression d’un comportement plus rigoureux, et non pas comme une obligation absolue imposée par la loi. En effet, c’est également ce qui ressort des propos du Bèn Ich ‘Haï, qui écrit qu’il est « préférable de s’attacher à s’asseoir pour toutes les bénédictions », indiquant de la sorte qu’il ne s’agit que d’un avantage, afin de pouvoir réciter les bénédictions avec crainte et respect
13) Péri Mégadim ibid. 18