Comment plier son Talite le Chabbate

Chalom

Quels sont les differents avis au sujet de l'autorisation ou l'interdiction de plier son Talite après la Téfila de Chabbate matin ?
Merci

Rav Aharon Bieler
La Michna (1) rapporte la loi relative au pliage en ces termes : « On peut plier les habits pendant Chabbate, même quatre ou cinq fois ». Rachi (2) explique que ce pliage vient éviter que le vêtement ne se froisse. La Guémara ajoute que lorsque ce pliage constitue un « Tikoun » (réparation) pour l’habit, c’est-à-dire que par son biais, l’habit s’en trouve lissé et repassé, il devient interdit de le faire, dans la mesure où ce procédé est assimilable « Métakèn Mané » « réparer un ustensile » (3).

Afin de parer à ce problème, la Guémara ne permet, le Chabbate qu‘un pliage soumis à plusieurs conditions :

a) Qu’une seule personne effectue ce pliage (car le pliage est moins parfais)
b) Que l’on ne plie que des vêtements neufs qui n’ont pas encore été lavés (car ils tiennent la forme et gardent leurs plis sans se froisser. De ce fait, le pliage n’est pas considéré comme une remise en état (« Tikoun Mané »).
c) Que les habits en question soient blancs (car le pliage à moins d’effet « réparateur »).
d) Que le pliage ne soit effectué que pour les besoins du jour même.
e) Que l’on n’ait pas un autre vêtement utilisable le jour même.

Telle est également la conclusion du Choul’hane ‘Aroukh (4), qui ne permet de plier un habit que sous ces conditions.
En l’absence d’une de ces conditions, il est interdit de plier un vêtement le Chabbate (5).

Concernant la dernière condition, il est rapporté que même dans le cas où l’on possèderait un autre habit, porté habituellement en semaine, on n’est pas tenu d’utiliser celui-ci afin d’éviter de plier le premier, et il reste permis de plier son habit propre au Chabbate.
Toutefois, si l’on possédait un autre costume de Chabbate, quitte à ce que celui-ci soit moins beau que le premier, le fait de plier celui que l’on a porté n’entre plus dans le cadre d’un usage spécifique au Chabbate ; il faudra dans ce cas utiliser le second vêtement, et non plier le premier (6).

Certains décisionnaires stipulent que même si l’on possède un Talite spécifique à Chabbate, qui ne sera donc utilisé que le Chabbate suivant, il est tout de même interdit de le plier, et l’on ne considère pas cela comme un préparatif nécessaire au jour du Chabbate (7).


Le Choul’hane ‘Aroukh rapporte par ailleurs un second avis, selon lequel le pliage est autorisé, sans autres conditions, s’il n’est pas effectué sur les plis d’origine ; « et cet avis me semble exact » conclut-il.

Concernant l’exigence d’un pliage effectué pour les besoins du jour même, Le Michna Béroura en déduit : « C’est la raison pour laquelle il est interdit de plier le Talite le Chabbate, bien que la Mitsva de Tsitsite persiste toute la journée et qu’il soit donc possible de s’en couvrir ultérieurement. Malgré tout, dans la mesure où l’on n’a pas l’intention de le remettre le jour même, ce pliage reste interdit, hormis dans les endroits où l’on a l’habitude de s’en couvrir à Min’ha » (8).

Par contre, il rapporte que si l’on ne plie pas le Talite suivant les plis originels, le pliage est autorisé, même en l’absence des autres conditions. En effet, ce procédé ne lui conférant aucun caractère permanent, il n’y a la aucune amélioration de l’état du vêtement et donc pas de problème de « Tikoun Mané ». (9)
Cela reste permis même dans le cas où l’on n’a pas l’intention de plier à nouveau l’habit après le Chabbate, (10)

Le Michna Béroura écrit en conclusion que la coutume adoptée se conforme à la seconde opinion rapportée dans le Choul’hane ‘Aroukh, selon laquelle on peut plier son Talite, mais non sur les plis d’origine.
Il ajoute néanmoins qu’il reste évidemment préférable de se montrer plus rigoureux, en n’effectuant aucun pliage (11).

En tout état de cause, si l’on plie le Talite d’une manière nullement précise, de sorte que les côtés du Talite ne s’appliquent pas les uns sur les autres de manière égale, tous les avis s’accorderont à le permettre (12).

Il faut toutefois préciser que le « Minhag » (coutume) en Afrique du nord et tout particulièrement au Maroc était de plier son Talite le Chabbate après la prière du matin dans ses plis originels. C’est, entre autre, rapporté dans le « Kitsour Choul’hane ‘Aroukh » du Rav Baroukh Tolédano dans ces thermes : « Nous aussi, depuis des temps ancestraux, nos Rabbanim, qui étaient grand en Tora et en crainte de D., avaient l’habitude de plier leur Talite le Chabbate sans aucune appréhension. Et c’est le Minhag que nous avons gardé jusqu’à ce jour ». (13)
Voir toutefois le livre « Nahagou Ha’am » , sur les Minhaguim du Maroc, selon lequel les personne pointilleuses évitaient de plier leur Talite malgrés le Minhag répandu.(14)

Kol Touv
1) Chabbate page 113a
2) début de citation « Mékapline »
3) cf. Rachi début de citation « Bichné »
4) Ora’h ‘Haïm Chap.302 par.3
5) Choul’hane ‘Aroukh ibid. 3
6) Michna Béroura ibid. 17, voir également Cha’ar Hatsioun 17
7) Chémirate Chabbate Kéhilkhéto chap. 15 note 147 au nom du Téhila Lédavid chap.302 par.6. Par contre Rabbénou ‘Hananèl (Chabbate 113a) permet dans un tel cas. C’est également l’avis du Yafé Lévav tome 2 chap.65
8) ibid. Alinéa 13
9) Alinéa 18
10) Choul’hane Chlomo alinéa 9 au nom de Rav Chlomo Zalman Auerbach ; Responsa Yé’havé Da’ate tome II chap. 40 ; le Da’ate Tora chap. 3 estime toutefois qu’après le Chabbate, il est impératif de plier à nouveau le vêtement ou le Talite
11) Alinéa 19 au nom du Ma’hatsite Hachékèl et du ‘Hayé Adam chap. 44, 24
12) Or’hote Chabbate chap. 13, note 132 ; la raison de cette permission relève du fait que cette manière de procéder n’est pas considéré comme un pliage mais comme un simple moyen d’éviter que des froissures ne se forment .
13) Chap.170 alinéa 10 ; Il est également rapporté dans le livre Érèts ‘Haïm que tel était le minhag et qu’il s’était probablement répandu avant l’acceptation du Choul’hane ‘Aroukh. Il est aussi possible de justifié ce Minhag en se basant sur l’avis du Colbo, qui est ramené, dans le Bét Yossèf, selon lequel, notre façon de plier n’est pas comparable à celle du temps des la Guémara. Ils étaient, à cette époque, beaucoup plus méticuleux dans leur façon de plier pour défroisser l’habit en allant jusqu'à le placer sous une presse. C’est cette forme de pliage qui était interdite, mais pas celle de notre époque, qui reste permise. Voir à ce sujet le Choul’hane Chlomo qui tend à rejoindre cet avis.
Précisons enfin, qu’il est rapporté dans le Yalkoute Yossèf Chabbate tome 2 chap. 302 note 12 que plusieurs avis permettent de plier le Talite, même sur ses plis d’origine. C’est pourquoi il n’est, selon lui, pas nécessaire de faire une remontrance à celui qui agirait ainsi.
14) Chabbate alinéa 27