Ouvrir et fermer le frigidaire, le Chabbate

Bonjour,

A t-on le droit d'ouvrir un frigo ou congelateur le Chabbate, sachant que cette ouverture va entrainer par la suite le frigo ou congelateur à travailler plus pour atteindre sa temperature fixée (-20°) ?
Merci

Rav Meir Cahn
En guise d’introduction – mais qui pourrait également faire office de conclusion – rapportons ce que préconise le Chémirate Chabbate Kéhilkhata (chap. 10 par. 12) :
« Il se trouve diverses opinions à propos de l’ouverture du frigidaire le Chabbat. Quiconque souhaiterait agir en conformité avec tous les avis, reliera son frigidaire à une minuterie, qui arrêtera intégralement la marche de l’appareil à intervalles régulier, et le frigidaire ne sera ouvert qu’à ces moments là ».

L’ouverture du frigidaire le Chabbate, écrit le Rav Chlomo Zalmane Auerbach Zatsal est permise, même lorsque le moteur du frigidaire n’est pas en marche (1). Ceci bien sûr, à condition que l’ouverture de la porte ne provoque pas l’allumage d’une lumière.
D’autres ne permettent de l’ouvrir que lorsque le moteur est en marche (2).

En ouvrant la porte du frigidaire, de l’air à température ambiante y est introduit et va remplacer l’air froid qui s’y trouvait. Ainsi, le système de refroidissement, animé par un moteur et contrôlé par un thermostat, va se remettre en marche.
S’il était déjà en marche, l’ouverture de la porte va causer le prolongement de son travail. Malgré tout, l’avis permissif autorise l’ouverture, qu’il soit en état de marche ou de veille. Quelles sont les raisons de cette autorisation ?

Bien que l’air à température ambiante introduit dans l’appareil va agir sur le thermostat et causer la remise en marche du moteur, la première « bouffée » de cet air n’est généralement pas suffisante pour le faire. C’est l’air qui pénétrera par la suite qui le mettra en marche. En d’autres termes, ça ne sera pas l’ouverture de la porte qui enclenchera la « Mélakha » (le travail interdit le Chabbate), directement ; elle n’en sera que la cause indirecte. Or, toute Mélakha exécutée de manière indirecte - appelée Grama – n’est pas illicite, selon certains décisionnaires (3).
Selon les décisionnaires qui interdissent le Grama, à moins qu’il ne soit destiné à éviter un dommage (4), l’ouverture du frigidaire restera néanmoins permise, car elle n’entraîne qu’une Mélakha Dérabbanane (un travail d’ordre rabbinique) (5), et dans ce cas il sera possible de suivre l’avis des Poskim (des décisionnaires) qui pensent qu’un Grama de Mélakha Dérabbanane (un travail d’ordre rabbinique) est permis (6).

Ne devrait-on pas prendre en considération le fait que la température de l’air à l’intérieur du frigidaire pourrait être élevée, au point qu’elle soit presque arrivée au niveau où elle va activer le thermostat, et que de ce fait, l’air qui va rentrer immédiatement avec l’ouverture de la porte, activera le thermostat ?
Dés lors, l’ouverture de la porte ne sera plus considérée comme un Grama (une action indirecte), mais comme une action directe (7) !?

Malgré tout, il resterait permis d’ouvrir la porte – selon ces avis permissifs - car cet acte est accomplit sans intention d’activer le moteur ; le retrait des aliments en est la raison. Ceci est donc un Davar Chééno Mitkavèn (une action non intentionnée), qui n’est interdit que lorsque sa conséquence illicite – car étant une Mélakha - sera inévitable (8). Mais puisque lorsque la porte est ouverte, il n’y a pas de certitude que le moteur sera mis en marche, ce ne sera pas défini comme étant un Psik Réché (une action entraînant inévitablement une conséquence illicite), et donc ne sera pas interdit (9).

Ajoutons à cela, le fait que même si l’on voulait considérer l’ouverture de la porte comme étant un "Psik Réché", entraînant inévitablement l’entrée d’air plus chaud et la mise en marche du moteur, il n’en reste pas moins que cette entrée d’air chaud est en fait une conséquence indésirée de cette ouverture.
Dans un cas de Psik Réché Délo Ni’ha Lé – lorsque la conséquence du Psik Réché est indésirée ou non profitable (10), il n’y aura pas d’interdit Déoraïta (d’ordre Toranique) (11).
Certains Décisionnaires permettent ladite action, même Lékhaté’hila (à priori) (12). Bien que leur avis ne soit pas retenu dans la pratique (13), avec le concours d’autres arguments permissifs, on pourra néanmoins s’y fier, et permettre cette action, même Lékhaté’hila (à priori) (14).

Comme mentionné, d’autres Décisionnaires estiment que l’ouverture du frigidaire ne pourra être permise que lorsque le moteur de ce dernier est en marche. La raison de cette restriction est que dans cet état, l’ouverture ne causera aucune Mélakha (travail interdit). Tout au plus, elle empêchera le thermostat d’interrompre la marche du moteur. Ceci n’a rien d’illicite, au même titre que le fait de fermer une fenêtre devant laquelle se trouve une flamme, que le vent menace d’éteindre (15). Ainsi, agir de manière à éviter l’extinction ne sera pas assimilé à causer l’allumage ; nous pouvons donc en déduire, d’une manière générale, qu’assurer le maintient d’une activité le Chabbat, ne sera pas considéré comme l’avoir engagée (16).

Pour cette raison également, fermer la porte d’un frigidaire le Chabbate ne devrait pas poser de problème, même lorsque le moteur de celui-ci est en marche. Néanmoins, certains s’interrogent sûr le bien fondé de la comparaison. Notre cas ne serait il pas plutôt assimilable au four allumé, et dont il est interdit de fermer la porte, car la réduction d’oxygène va étouffer le foyer (17) ? Selon ces Maîtres, le dilemme persiste (18). D’autres en permettent la fermeture. Car bien qu’empêcher l’entrée d’air plus chaud aura comme effet d’anticiper l’extinction du moteur, cela ne restera néanmoins que le résultat indirect et non intentionnel de son acte. Il n’y a donc pas lieu d’interdire la fermeture de la porte, lorsque le moteur du frigidaire est en marche (19).

L’introduction dans le frigidaire d’aliments dont la température est supérieure à celle de l’appareil, aura le même Dine que l’ouverture de la porte. En fait, elle devra être considérée de manière plus stricte, car la chaleur y est introduite de manière directe (20). De plus, des considérations allégeantes de « Psik Réché Délo Ni’ha Lè », telles qu’évoquées plus haut, ne pourront pas être retenues, car l’introduction des aliments et donc de leur température, c.à.d. de la chaleur, est ici intentionnelle.

Les modèles de frigidaires plus récents présentent des améliorations techniques, qui compliquent leur utilisation le Chabbate et le Yom Tov. Il s’agit d'appareils à dégivrage automatique, avec ou sans ventilation. Nous exposerons les problèmes qu’ils soulèvent, de manière générale, ainsi que les solutions Halakhiques possibles (21). Toutefois, les modèles et les techniques étant variés, il sera difficilement possible de tirer des conclusions opérationnelles sans avoir étudié le détail du fonctionnement de l’appareil, et l’avoir soumis à un Rav compétent.

Les appareils à dégivrage automatique, sans ventilation, fonctionnent ainsi : lorsque la température interne arrive au niveau présélectionné, le thermostat éteint le moteur et allume des résistances, qui vont chauffer les endroits où s’accumule la glace et la faire fondre. Lorsque la température remonte dans l’appareil, le thermostat déconnecte les résistances et relie le moteur pour permettre son éventuelle remise en marche.

Il en ressort que la fermeture du frigidaire entraîne, non seulement la mise à l’arrêt du moteur, mais aussi la mise en marche des résistances. Or, amener les filaments d’une résistance à incandescence, est transgresser la Mélakha de « Bichoul » (le travail dérivé de faire cuire), ou de « Mav’ir » (d’allumer, d’embraser) (22).

L’ouverture de ces appareils à dégivrage automatique, par contre, ne pose pas de problème particulier.
Elle s’effectuera, ainsi, de la même manière que pour les modèles plus anciens, comme discuté plus haut. La fermeture, elle, est problématique, car elle commande la mise en marche des résistances. Elle ne sera donc permise que lorsque le moteur du frigidaire sera au repos, et que les résistances seront déjà allumées, avec un « Chinouï » c.à.d. en fermant de manière inhabituelle, par exemple en se servant de son coude, ou du dos de la main. Cependant, si ces résistances émettent de la chaleur mais sans toutefois arriver à incandescence, donc quelles ne rougissent pas, il serait possible de considérer la permission de la fermeture lors de la marche du moteur. Ou tout au moins avec un « Chinouï », (23).

La fermeture du frigidaire pose le même problème pour les modèles d’appareils, qui pour empêcher l’apparition de glace dans le compartiment de congélation, disposent d’un système de ventilation.
Lorsque la porte est fermée, un commutateur est mécaniquement activé et les ventilateurs se mettent en marche. Ils s’arrêteront lorsque la porte sera ouverte ; à ce moment là, le commutateur sera libéré et le circuit électrique sera ouvert. Le système de ventilation est cependant couplé à la marche du moteur du frigidaire, de manière à ce que lorsque ce dernier ne fonctionne pas, l’ouverture ou la fermeture de la porte n’aura pas d’influence immédiate sur la ventilation. Ces modèle d’appareils sont également équipés de résistances, qui assurent la dégivre de la glace, et qui se mettent en marche lorsque le moteur de refroidissement ainsi que la ventilation s’arrêtent.

Lorsque le moteur de ce frigidaire est en marche, il ne sera donc pas permis de l’ouvrir, ou de le refermer. En le fermant, les ventilateurs se mettent en marche ; en l’ouvrant, ils s’arrêtent. Cette action est définie comme une action directe. Et bien qu’étant non intentionnelle, donc un « Psik Réché » (une action entraînant inévitablement une conséquence illicite), puisque la conséquence est recherchée et profitable - Ni’ha Lé - cela reste interdit.

Cependant, une solution simple à cet obstacle pourrait consister au blocage du commutateur, avant le Chabbate. De la sorte, la ventilation sera neutralisée, et l’appareil fonctionnera comme les modèles plus simples. Sa porte pourra donc être ouverte ou fermée, avec un Chinouï, lorsque le moteur ne marchera pas. Lorsque le moteur sera en marche, les mêmes critères que pour les appareils plus simples, à dégivrage automatique, seront applicables.

A noter également l'existance, fort courante sur le marché, d'appareils dont le dégivrage est régulé par une horloge, qui déclenche celui ci à intervals réguliers, sans rapport avec la temperature interne du réfrigérateur. Ces appareils ne posent aucun problèmes particuliers liés à la fermeture de la porte.

Précisons enfin que ces directives, bien que rigoureusement fondées au niveau halakhique, ne seront valables qu’en cas de besoin (24).
Elles ne remplaceront pas – Lékhate’hila (à priori) – la modification des appareil, de manière à ce que les systèmes de dégivrage, autant les résistances que les ventilateurs, soient déconnectés pour les jours de Chabbate et Yom Tov. Pour ce faire, il faudrait faire appel à un technicien spécialisé.
Notons qu’en Israël, nombreuses sont les marques d’électroménager qui proposent des modèles avec une « commande de Chabbate » (Pikoud Chabbat), dont le rôle est justement de neutraliser les systèmes de dégivrage.
Une liste de ces appareils est disponible auprès du « Makhone Mada’i Technologi Léba’yote Halakha », à Jérusalem.

Notons pour terminer, que l’ouverture d’un congélateur est Halakhiquement comparable à celle d’un frigidaire (25).

Kol Touv.
(1) Min’hate Chlomo, tome 1 chap. 10 ; tel est également l’avis du Tsits Éli’ézèr, tome 8 chap. 12 et tome 12 chap. 92 ; voir aussi le Chémirate Chabbate Kéhilkhata, tome 1 page 100 note 33.
(2) Choute Har Tsvi, Ora’h ‘Haïm tome 1 chap. 151, Choute ‘Hélkate Ya’akov, tome 3 chap. 179, Choute Min’hate Yts’hak, tome 2 chap. 16, Choute Iguérote Moché, Ora’h ‘Haïm tome 2 chap. 68 (il y a néanmoins lieu de s’interroger sur le détail de son opinion , car dans Ora’h ‘Haïm tome 4 chap. 74 note 28, il stipule qu’ouvrir un four en état de marche, mais qui ne chauffe pas car momentanément éteint par le thermostat, n’est pas interdit car ça n’est pas un Psik Réché). Voir aussi le Choute Michnate Rabbi Aharon, tome 1 chap. 4, ainsi que le Yabi’a Omèr, tome 1 Ora’h ‘Haïm chap. 21 qui conclue en disant que bien que dans le principe, il serait permis d’ouvrir même lorsque le moteur ne marche pas, néanmoins il reste conseillé et adéquat de ne le faire que lorsque le moteur est en marche, et le « Ma’hmir » (le pointilleux) sera digne de bénédiction.
(3) Choul’hane ‘Aroukh, Ora’h ‘Haïm chap. 334 par. 22 et Biour Halakha, ad. loc, intitulé Dégram Kibouï Moutar.
(4) Rama, ad. loc.
(5) Voir le Min’hate Chélomo, tome 1 chap. 10 pages 84, 85, 86, ainsi que chap. 11 page 91. Voir également notre réponse à la question n° 39, intitulée « Franchir, le Chabbat, un passage qui s’allume automatiquement ».
(6) Voir le Choute Yéchou’ote Ya’akov, Ora’ ‘Haïm chap. 334 alinéa 7, le Min’hate Chélomo chap. 10 par. 7, et le Choute Yabi’a ‘Omèr, Ora’h ‘Haïm chap. 21.
(7) Au même titre qu’un Bidka Démaya, Békoa’h Richone, qui est considéré comme une action directe – Giré Didé, voir la Guémara Sanhédrine 77b. Voir encore le Min’hate Chélomo, ad. loc. par. 9 et 10, et par ailleurs le Choute Min’hate Yts’hak tome 2 chap. 16, ainsi que le Choute ‘Hélkate Ya’akov, tome 1 chap. 54 note 8.
(8) Voir Choul’hane ‘Aroukh, Ora’h ‘Haïm chap. 337 par. 1, ainsi que chap. 320 par. 18.
(9) Voir encore le Biour Halakha, ad. loc. par. 3 intitulé Vélakhèn, et le Min’hate Chélomo, ad. loc. Ajoutons à cela l’avis du Taz, Ora’h ‘Haïm chap. 316 alinéa 3, qui estime qu’un « Safèk Psik Réché Léché’avar » est permis, voir également le Bi’our Halakha, ad. loc. chap. 3, intitulé Vélakhèn.
(10) Voir le le Min’hate Chélomo, ad. loc. par. 4, et le Yabia’ Omèr, ad. loc.
(11) Michna Béroura, chap. 320 alinéa 53, et Biour Halakha, ad. loc. intitulé « Yèch », et « Délo ».
(12) C’est l’avis du ‘Aroukh, mentionné (et refusé) par le Choul’hane ‘Aroukh, ad. loc. chap. 320 par. 18, et celui du Rambam, selon Rabbi ‘Haïm Mibrisk, Hilkhote Chabbate chap. 10 par. 17.
(13) Choul’hane ‘Aroukh, ad. loc. » »
(14) Biour Halakha, ad. loc. intitulé Tov.
(15) Rama, Ora’h ‘Haïm chap. 277 par. 1, Maguèn Avraham, ad. loc. alinéa 3 et Michna Béroura, ad. loc. alinéa 4.
(16) Choute Min’hate Chélomo, tome 1 chap. 10 par. 1, voir aussi le Choute Min’hate Yts’hak, tome 2 chap. 16 par. 12.
(17) Voir le Magène Avraham, chap. 259 alinéa 11, et le Michna Béroura, ad. loc. alinéa 21.
(18) Voir le Chout Michnat Rabbi Aaron, tome 1 chap. 4. Voir également le Chout Min’hate Yts’hak, tome 2 fin du chap. 16.
(19) Voir le ‘Hèlkate Yaacov, tome 3 chap. 179.
(20) Voir Kachrout Véchabbat Bamitba’h Hamoderni, page 329.
(21) Ad. loc, à partir de la page 319.
(22) Cha’ar Hatsyoune, chap. 318 alinéa 1, selon l’explication qu’il donne au Rambam, Hilkhote Chabbat Pérèk 9 Halakha 6. Voir aussi le ‘Hazone Ich, Ora’h ‘Haïm chap. 50 par. 9.
(23) Kachrout Véchabbat Bamitba’h Hamoderni, page 331, qui explique que dans ce cas, il n’y aurait dans l’action de fermer le frigidaire qu’un Grama entraînant un Issour Dérabbanane, qui est de plus Eno Mitkavène.
(24) Voir le Magène Avraham, chap. 307 alinéa 7.
(25) Kachrout Véchabbat Bamitba’h Hamoderni, page 322.