Profiter du travail d'un non juif le Chabbate

Si un étudiant juif prépare une thèse avec un étudiant non juif et que l'étudiant non juif continue à travailler sur la thèse pendant le Chabbate, l'étudiant juif doit-il lui demander de ne pas travailler sur la thèse pendant le Chabate afin de ne pas tirer profit de ce travail ou cela ne pose-t-il pas de problème ?

Rav Aharon Bieler
Les lois qui régissent les profits que nous pouvons tirer d'un travail exécuté par un non juif le Chabbate sont très complexes. Nous nous bornerons donc à exprimer ici quelques principes fondamentaux afin de comprendre le sens de la réponse.

Par ailleurs, il ne faudra en aucun cas extrapoler et adapter la conclusion à un autre cas qui pourrait sembler similaire. En effet, des différences parfois ténues peuvent apparaître entre deux cas de figures qui pourraient sembler identiques après un examen superficiel.

Si nous avons bien compris, dans votre cas, deux personnes (un juif et un non juif) oeuvrent sur un même projet chacun fournissant sa part de travail. A la finale, la thèse présentée sera donc le produit de cette collaboration à deux.

Il existe des cas où un juif peut tirer un profit même financier d'un travail effectué par un non juif le Chabbate.

Par exemple lorsqu'un juif met en fermage un terrain agricole qu'il possède. C'est-à-dire qu'il prend un fermier non juif qui aura pour tâche d'exploiter à sa convenance le terrain en question. Le fermier recevra en rémunération de son travail un pourcentage (30 % par exemple) du produit de la récolte. Le propriétaire du terrain recevra donc les 70% restants.

Le propriétaire pourra bénéficier intégralement de ses 70% même si le fermier a décidé de travailler le Chabbate. En effet, on considère que le fermier étant libre de gérer son temps à sa convenance, a travaillé le Chabbate de sa propre initiative car c'est ce qu'il lui convenait le mieux. Nos sages expriment ce principe en ces termes: "Ada'ta Dénafché Ka'avid". Soit: "il a travaillé sur son initiative et pour son profit" (1).

Nous voyons par ailleurs, dans un autre cas, qu'il est permis de commander un travail à un non juif même si celui-ci décide de l'effectuer le Chabbate, si les 2 conditions suivantes (2) sont respectées:
a) Si le non juif travail au forfait, c'est-à-dire si une somme globale a été fixée par avance pour le travail en question. Dans ce cas aussi on dira donc que le non juif gère son temps comme cela lui convient et que s’il a travaillé Chabbate ce n’est que parce que ça l’arrange ("Ada'ta Dénafché Ka'avid") (3).
b) S'il n'est pas reconnaissable que le travail effectué est destiné à un juif (ce qui est tout à fait le cas en ce qui concerne la thèse puisqu’il le fait pour lui et dans sa maison). Dans le cas contraire on pourrait en effet soupçonner le juif d'avoir employé le non juif en temps que salarié journalier (4). Cette formule est interdite car elle donne au non juif le statut de « Chalia’h » (envoyé, représentant) du juif.

Dans votre cas, il est évident que votre ami travaille en priorité pour lui-même, pour pouvoir présenter sa thèse, et vous n'en profiterez que par contre coup.

D’autre part, même si l’on veut considérer que votre ami non juif vous fourni un travail payé au forfait (du fait qu’il bénéficiera en échange de votre propre travail) (5), toutes les conditions seraient réunies pour qu'il puisse travailler le Chabbate de sa propre initiative.
Il est tout à fait possible de laisser votre ami travailler le Chabbate sur cette thèse à condition bien entendu de le laisser gérer son temps comme il l'entend et de ne pas lui recommander de travailler le Chabbate, par exemple pour avancer plus vite ou rattraper le retard (6).

Kol Touv

1) Choul'hane 'Aroukh Ora'h 'Haïm chap. 243 par. 1 et Michna Béroura chap. 243 alinéa 1 et 6; voir aussi le Rama chap. 245 par. 1
2) Choul'hane 'Aroukh Ora'h 'Haïm chap. 244 par. 1
3) Michna Béroura chap. 244 alinéa 2
4) Voir Michna Béroura chap. 244 alinéa 3
5) Voir Choul'hane 'Aroukh Ora'h 'Haïm chap. 247 par. 4 et chap. 252 par. 2 ; Michna Béroura chap. 252 alinéa 15
6) Voir le Choul'hane 'Aroukh Ora'h 'Haïm chap. 245 par. 5 et Michna Béroura chap. 245 alinéa 21