Utilisation de l’eau froide d’un minibar le Chabbate

Bonjour,

J'ai un mini bar qui me fournie de l'eau chaude et de l'eau froide à volonté en ouvrant un robinet (mécanique). L'eau arrive directement dans le mini bar (pour être réchauffée ou être refroidie) par un tuyau d'eau relié à l'arrivée d'eau principale de la maison.
Sachant que je débranche la fonction eau chaude (par l'intermédiaire d'un interrupteur prévu à cet effet), est-il possible d'utiliser le mini bar d'eau froide Chabbate.
Merci et Kol Hakavod pour ce merveilleux travail


Rav Meir Cahn
La question de l’utilisation d’un minibar le Chabbat est comparable à celle de l’ouverture d’un réfrigérateur ou d’un robinet d’eau chaude lorsque celle-ci provient d’un chauffe-eau solaire (Doud Chémèch).
Le problème de ces appareils se trouve dans le fait que leurs ouvertures déclanchent de manière plus ou moins directe, la marche d’un système électrique. Par exemple, l’ouverture de la porte d’un réfrigérateur laisse entrer de l’air à température ambiante, qui en augmentant celle du réfrigérateur, provoque la mise en marche de son moteur.

Cependant, il semblerait possible de considérer ces actes comme un « grama », c’est-à-dire le résultat indirect d’un acte délibéré.
A ce sujet, l’avis du Choul’hane ‘Aroukh (1) semble être que l’on devrait permettre la réalisation de travaux par le biais d’un « Grama » ; toutefois, cette affirmation n’est d’une part pas évidente, et d’autre part ne fait pas l’unanimité. En effet le Rama (2) n’autorise cette pratique que pour éviter ou limiter des dégâts ou des pertes.

De surcroît, les décisionnaires (3) considèrent, que l’appellation de « Grama » n’est pas applicable des appareils tel que chauffe- eau solaire par exemple. En effet, ces appareils étant conçus et construits de manière à fonctionner de sorte que l’ouverture d’un robinet permette l’entrée de l’eau à réchauffer, il est dés lors impossible de ne considérer cet acte que comme un « Grama ».
Cette ouverture aurait plutôt le caractère d’une action directe (« ma’assé béyadaïm »), car de par la conception même du système, c’est elle qui assure l’acheminement de l’eau vers l’endroit ou elle sera réchauffée.
C’est donc bien cette ouverture qui contrôle la chauffe de l’eau. Le fait que la « Mélakha » (action) soit réalisé à distance et de manière peut être inconsciente, ne lui confère pas le statut de « Grama ».

Cette idée se retrouve dans les écrits du Rambane (4). Il explique que lorsqu’une personne laboure sa terre en maintenant simplement le soc de la charrue en place, et en laissant la bête produire la force motrice, on considère que l’infraction du travail de « ‘Horèch » (labourer) est véritablement celle de l’homme.

Le ‘Hazone Ich (5) explique ces propos ainsi : Bien qu’en théorie, nous devrions considérer dans ce cas que l’homme n’a fait qu’apporter une « aide » au travail fourni par la bête, ceci n’est valable que lorsque la bête garde une certaine indépendance. On peut alors estimer que la bête fournit un travail en étant simplement secondée par la direction de l’homme. En revanche, dans le cas du labour, la bête se trouve entièrement soumise à l’homme ; elle n’a aucune possibilité de dévier de son chemin ou de se soustraire à son œuvre. De ce fait, l’œuvre de la bête s’apparente à l’homme, et elle est considérée comme étant sienne à part entière.

Nous pouvons donc estimer à plus forte raison, que lorsqu’un homme met en place un système et l’actionne, ou fait fonctionner une machine, les conséquences de ce fonctionnement, direct ou non, seront liées à l’homme qui les a provoquées.

Cependant, il y a lieu de souligner une distinction majeur entre les appareils ci dessus mentionnés : dans le cas du chauffe-eau solaire, l’eau extérieure est immédiatement chauffée par la température élevée de l’eau qu’elle rencontre dans le réservoir. Dès lors, on peut effectivement estimer que l’homme, en ouvrant son robinet d’eau chaude, a directement mis à chauffer de l’eau.
En revanche, dans le cas du mini bar l’introduction de l’eau dans le réservoir, n’est pas problématique en soi, c’est le fait que par son introduction la température ambiante sans le réservoir s’est élevée, et que le thermostat va mettre en marche le système de refroidissement qui pose le problème.

Par conséquent, ce cas de figure entre dans le cadre d’une toute autre notion : « Davar Chéèno Mitkavèn ». Ce principe stipule que lorsqu’un acte permis, réalisé volontairement le Chabbat, entraîne également un résultat secondaire qui lui n’était pas volontaire, mais qui relève d’une « Mélakha » (travail) interdite le Chabbat, cet acte reste néanmoins permis.
Toutefois dans le cas du minibar, il y a lieu de considérer cet « acte involontaire » comme étant « inévitable », désigné dans la Halakha par « Psik Réché ». En effet, étant donné que l’augmentation de température est inévitable, l’autorisation généralement admise dans ces cas de « Davar Chéèno Mitkavèn » n’est plus retenue. C’est la raison pour laquelle on interdit de tirer un banc lourd sur de la terre si celui-ci provoquera inévitablement la formation de sillons.
Il semblerait donc, qu’il faille interdire l’utilisation des minibars, puisque le déclenchement du thermostat est inévitable.

Néanmoins l’association de ces deux aspects de « Mélakha » liés à l’utilisation du mini bar pourra nous permettre d’aboutir à une conclusion différente.

Comme nous l’avons vu, l’ouverture de son robinet relève d’un cas de « Grama ».
Toutefois, les sages n’ont proscrit ce résultat indirect que lorsque l’acte a été réalisé intentionnellement. Or ici, l’homme n’a nullement l’intention de déclancher le moteur de l’appareil. Son intention se limite à la volonté de se servir un verre d’eau fraîche. Il en découle un résultat interdit, bien qu’involontaire, qui est associé à son acte : le faite de rapprocher le moment de la mise en marche du moteur (c’est à dire « Davar Chéèno Mitkavèn »). L’association de ces deux concepts – « Grama » et « Davar Chéèno Mitkavèn » - dans un même acte, permet son utilisation le Chabbate (6).

Il semblerait donc que se servir en froide d’un minibar dont l’utilisation est commandée par un robinet mécanique ne pose pas de problème le Chabbate.
Tel est également l’avis permissif retrouvé dans le Chémirate Chabbat Kéhilkhato et le Or’hote Chabbate (7).

Kol Touv
1) Choul’hane ‘Aroukh Ora’h ‘Haïm chap. 334 par. 22 et cf. Biour Halakha qui indique que la dérogation de « grama » s’applique indifféremment à tous les travaux de Chabbat
2) Ad. loc.
3) Selon le Chvoute Its’hak Doud Chémèch page 91 au nom de Rav Chélomo Zalmane Auerbach Zatsal et de Rav Elyachiv Chlita. Voir également le Choute Yévakèch Tora Chabbat chap. 1 et 2
4) Chabbat 153b
5) Ora’h ‘Haïm chap. 36 par. 2
6) Cette idée d’associer les deux aspects dérogatoires d’un acte se retrouve dans le Méïri 150b « Mi Chéchakha’h » ainsi que dans le responsa Har Tsvi Ora’h ‘Haïm 133
7) Chémirate Chabbat Kéhilkhato chap.10 par.13, ainsi que Or’hote Chabbate chap. 2 par. 33