Utilisation d’un ascenseur le Chabbate

Chalom,

Merci de me donner les différents avis concernant l'ascenseur de Chabbate comme on en voit en Israël. D'autre part un malade qui n'est pas en danger (quelqu'un présentant une sciatique ou un problème cardiaque lui rendant tres difficile la montée des escaliers) peut-il prendre un ascenseur avec un non juif le Chabbate et même lui demander l'étage (en rentrant en meme temps pour ne pas agir sur le rayon optique de l'ascenseur). Merci de me donner tous les avis.

Rav Aharon Bieler
Il est interdit le Chabbate, d’utiliser un appareil électrique car cela crée un circuit électrique ce qui est problématique à plusieurs niveaux.
a) Cela engendre l’apparition d’un courant électrique. Il s’agit ici d’un interdit des rabbanim, car cela ressemble à une nouvelle création. Cela correspond à l’interdit de « Molid » (créer) (1).
b) Certains pensent que c’est aussi interdit d’après la Tora à cause de la « Mélakha » (travail) de « Boné » (Construire) car ils assimilent la fermeture d’un circuit électrique à la construction, à l’aide de tuyaux, d’un circuit hydraulique (2).
c) La mise en route d’un appareil électrique (fonctionnant sur secteur ou sur batterie) qui enclencherait une résistance de chauffage ou l’allumage d’une ampoule, sera de surcroît interdit par la Tora à cause de la « Mélakha » de « Mav’ir » (allumer un feu) (3). A noter toutefois l’avis de certains qui pensent que, d’après le Rambam, ce ne serait interdit par la Tora que dans le cas que l’action de chauffer le filament est faite dans l’intention de le saisir « Létsarèf » en le trempant dans l’eau (4).
d) D’autres (5) pensent que s’ajoute également l’interdit de « Mévachèl » (cuire). Le Michna Béroura (6) rapporte le principe général : « celui qui ramollit un corps dur par le feu ou qui durcit un corps mou est « ‘Hayav » (passible d’une peine pour avoir enfreint un interdit de la Tora) à cause de la « Mélakha » de « Mévachèl ».

Or, l’utilisation d’un ascenseur implique, entre autre:
La création d’un courant électrique, l’augmentation d’un courant électrique, la création d’étincelles, auxquels s’ajoutent les problèmes d’allumage (l’ampoule de bouton d’appel de l’ascenseur, l’ampoule de sélection de l’étage, une lumière qui pourrait s’enclencher à l’entrée d’une personne dans l’ascenseur etc.…).
Il se trouve donc réuni dans le fonctionnement d’un ascenseur de nombreux problèmes d’ordre Toranique et Rabbinique.

Par ailleurs la coupure d’un rayon électronique à l’entrée d’un ascenseur ainsi que son rétablissement, sont des problèmes différents qui nécessitent d’être traités séparéments.

Tous ces éléments ainsi que les avis parfois divergents des décisionnaires pour chacun d’entre eux rendent son étude particulièrement complexe et difficile à aborder dans le cadre de ce site.

Chaque sujet fait en effet intervenir des principes halakhique différents et parfois complexes comme par exemple : « Grama » (entrainer une action), « Davar chééno mitkavèn » (Résultat d’une action non intentionnelle), « Psik réché déla ni’halé » (Résultat inéluctable d’une action non intentionnelle dont on ne tire aucun profit), « Mélakha chééna tsrikha légoufa » (travail dont on est pas intéressé par le produit), « Assarate monéa’ » (enlévement d’un obstacle qui empêche l’accomplissement d’une action- concerne le fait de couper un rayon électronique), « ‘Assiyate guéchèr » (rétablir une liaison permettant une action - concerne le rétablissement électronique).

Il n’est bien entendu pas possible d’aborder et d’expliquer ici tous ces principes de Halakha.
Il faut savoir que des ouvrages entiers ont été écrits sur l’électricité dans le Halakha en général et sur l’ascenseur en particulier. (7).

A tout ceci, se greffe l’obligation de connaître parfaitement le fonctionnement technique de chaque appareil en particulier, pour pouvoir donner une réponse valable.

Tenant compte de tous ces éléments nous ne pouvons donner ici, en conclusion, qu’un principe général.

Un ascenseur de Chabbate est un ascenseur qui fonctionne entièrement automatiquement, sans aucune intervention humaine. Il s'arrête de lui même, systématiquement à chaque étage. De même les portes s’ouvrent et se ferment de façon automatique, qu’il y ait des voyageurs ou pas.

Il existe à ce sujet 3 avis différents :

a) Certains permettent son utilisation, que se soit pour la montée ou pour la descente, à condition bien entendu, de n’actionner aucun bouton et de ne pas entraver la fermeture ou l’ouverture des portes, car ils pensent qu’il n’y a pas d’interdiction à provoquer l’augmentation ou la diminution d’un courant électrique, de cette manière, le Chabbate (8).

b) Certains permettent son utilisation uniquement dans la montée, car bien que cela entraîne une variation dans le courant électrique (ce qui d’après cet avis reste permis),
le poids de la personne qui voyage n’aide en rien l’ascenseur dans son déplacement.
Par contre, ils interdisent de l’utiliser dans la descente car le poids de la personne s’associe à l’action du moteur pour faciliter la descente.

c) Certains interdisent dans tous les cas, car ils pensent qu’il est interdit d’entraîner la variation d’un courant électrique le Chabbat (9).

En règle générale, l’utilisation d’un ascenseur de Chabbat ne sera permise que dans les cas de nécessité (personnes malades ou âgées par exemple) et de préférence dans la montée.

En conclusion, il convient d’éviter de prendre un ascenseur automatique de Chabbate ou de profiter du voyage d’un non juif en montant et descendant de l’ascenseur en même temps que lui (sans toucher à rien ni couper le rayon électronique).
Si la personne présente un problème de santé (comme vous le rapportez dans votre question), ce serait possible dans la montée.

Si la personne est malade (même non en danger ce sera permis même dans la descente) (10).

Quant à demander au non juif explicitement de commander l’ascenseur et de programmer l’étage, c’est interdit même en cas de fatigue ou de déficience physique légère. En effet cette opération comporte des interdits de la Tora (ne serait-ce que d’appuyer sur le bouton de l’ascenseur). Or le Choul’hane ‘Aroukh (dans le cas ou une personne est légèrement souffrante) ne permet de demander à un non juif d’accomplir un travail interdit pour le juif que dans le cas ou l’interdit est d’ordre rabbinique (voir note 12). Ce qui n’est pas le cas ici.

Rappelons à ce propos, quelques principes fondamentaux concernant les travaux d’un non juif le Chabbate :

Il est interdit, le Chabbate, de demander à un non juif de faire toute chose qui serait interdite pour le Juif lui même. Cela, que l’interdiction soit de la Tora ou d’ordre Rabbinique, que le non juif le fasse gratuitement ou de façon rémunérée, qu’on le lui demande le Chabbate ou avant le Chabbate (11).
Il existe quelques exceptions : entre autre, pour une Mitsva, si l’interdiction est d’ordre Rabbinique (12), ou bien pour une personne malade (voir note 16).

Il est aussi interdit de profiter d’une action que fait un non juif pour un juif, même s’il le fait spontanément, sans qu’on le lui ai demandé. Le seul cas ou vous pouvez profiter du travail d’un non juif, est quand il le fait pour lui même ou pour un groupe dont la majorité est constituée de non juif (13).

Vous pourriez donc envisager de profiter du voyage d’un non juif pour monter avec lui dans l’ascenseur, à la condition impérative de monter et de descendre aux mêmes étages que lui.
Toutefois, même ceux qui permettent cette éventualité, ne le font que sous réserve :
1) de ne pas couper un rayon électronique,
2) de ne pas toucher à la porte, ni avec les mains ni avec le corps.
3) que se soit dans l’intention de réaliser une Mitsva (aller à la synagogue ou en revenir, par exemple).
4) de préférence uniquement pour la montée (14).

Même dans ce cas (comme dans un ascenseur automatique), certains décisionnaires, comme nous l’avons mentionné plus haut, interdisent à cause du surplus de poids qui a une répercussion sur le travail du moteur électrique, plus particulièrement, lors de la descente de l’ascenseur (15).

Toutefois, si la personne est réellement malade (nécessite l’alitement) et qu’elle à besoin de se déplacer, il sera permis de demander au non juif de commander l’ascenseur et de sélectionner l’étage (16).

Quant à franchir le rayon électronique en même temps que le non juif, cela ne serait possible que dans le cas ou cela se fait de façon totalement coordonnée. C'est-à-dire sans précéder le non juif, de façon à ne pas couper le rayon en premier ni lui succéder même un temps soit peu, de manière à ne pas permettre le rétablissement ce dit rayon.
Ceci semble totalement irréalisable concrètement. A fortiori pour une personne souffrant d’un handicap physique.

A propos de ce dernier point, il convient de poser la question à un Rav qui jugera en fonction de la nature du rayon, de l’état du malade et du motif qui le pousse à sortir de chez lui.

Kol Touv


1) Voir la source de cette interdiction dans la Michna Bétsa 33a et la Guémara 33b ainsi que 23a et le commentaire de Rachi sur place ; voir aussi le Rama Choul’hane ‘Aroukh Ora’h ‘Haïm chap. 511 ; Péri ‘Hadach chap. 502 par. 1. selon lequel l’interdit de « Molid » est d’ordre rabbinique. Ainsi a tranché (d’interdire l’usage d’un appareil électrique ou d’enclencher une résistance ou d’allumer une lumière à cause de interdit de Molid) le Choute Bèt Its’hak tome 2 Yoré Dé’a chap. 31. Il a été suivi dans cette voix par la plupart des décisionnaires de notre époque dont le ‘Hazone Ich et le Rav Ovadia Yossèf dans son Choute Yé’havé Da’ate tome 2 chap. 46. A noter toutefois l’avis divergent du Rav Chlomo Aeurbach par rapport au problème de « Molid » dans son Choute Min’hate Chlomo chap. 69 page 74. Il conclut malgré tout d’interdire l’utilisation d’un appareil électrique le Chabbate.

2) ‘Hazone Ich chap.50 alinéa 9. Voir toutefois le Choute Min’hate Chlomo qui s’interroge sur l’avis du ‘Hazone Ich. Il conclut que même d’après celui-ci, celui qui fermerait un circuit électrique au moment ou celui-ci n’est pas sous tension (c’est-à-dire sans entraîner le passage du courant électrique) n’enfreindrait qu’une interdiction d’ordre rabbinique. On retrouve la même interrogation dans le Choute ‘Havote Yaïr fin du chap. 10 et dans le Choute Chévèt Halévi Ora’h ‘Haïm chap. 121
3) Rambam Hilkhote Chabbate Chap. 12 halakha 1 ; voir aussi le Choute Téhila Lédavid tome 1 chap. 59 alinéa 5 ; Choute Kérèn Lédavid chap. 80 et le livre Ha’hachmal Béhalakha (halakha concernant l’électricité tome 2 page 65).
4) Choute Avné Nézèr tome 1 Ora’h ‘Haïm chap. 169 ; Nichmate adam klal 20 alinéa 1 ; Cha’ar Hatsiyoune chap. 318 alinéa 1
5) ‘Hazone Ich Ora’h ‘Haïm chap. 50 alinéa 9
6) Chap. 318 alinéa 1
7) Voir Choute Ma’assé ‘Hochèv tome 1 et Ma’assé végrama béhalakha ainsi que Ma’alite béchabbate du Makhone Mad’é téchnologui lahalakha (institut scientifique et technologique par rapport à la Halakha)
8) Chémirate Chabbate Kéhilkhéta au nom du Rav Chélomo Zalman. Auerbach.
9) Min’hate Its’hak Tome 3, chap. 60 ; Brite ‘Olam « Mélékhète mav’ir » par. 2 ; Choute Kinyane Tora tome 4 chap. 30 à cause de « ‘Ouvdine dé’hole » (activité que l’on pratique habituellement pendant la semaine), Choute Iguérote Moché tome 2 chap. 95 à cause entre autres du surplus d’énergie demandée au moteur sans parler du problème de « Mar-ite ‘Aïne », Choute Béèr Moché tome 7 chap.107
10) Voir Piské Téchouvote Chabbate chap. 276 alinéa 2
11) Guémara Chabbate 150
12) Choul’hane ‘Aroukh chap. 307, par. 5
13) Choul’hane ‘Aroukh chap. 276, par. 1et 2
14) Chémirate Chabbate Kéhilkhéta tome 2 - 30, 54
15) Ménou’hate Ahava. Voir également Chémirate Chabbate Kéhilkhéta sur ce problème tome 2, 30/54 et 23/49
16) Choul’hane ‘Aroukh chap. 328, par. 17 et Michna Béroura chap.328 alinéa 47