Se garder de propager une maladie contagieuse

Kvod Ha Rabanim,

Tout d'abord merci pour vos réponses. Quelle joie lorsqu'on est enfin éclairé de manière approfondie sur la bonne attitude.
Je suppose que lorsque quelqu'un a une maladie grave et contagieuse ('Has vé'halila) il fait tout pour éviter de la transmettre à son prochain.
Qu'en est-il lorsqu'on a une "maladie bénigne" mais contagieuse: un grand rhume, une toux, un mal de gorge etc...

Halakhiquement, lui est-il interdit d'aller au Bèt Hamidrach, à la synagogue ( en semaine, Chabbate, lors d'une occasion exceptionnelle comme Roch Hachana, doit-il partir après avoir entendu le Chofar...).
Quelles sont les Mitsvote en jeu ?

Chana tova et Kol Touv

Rav Meir Cahn
La Guémara Baba Kama nous enseigne : si une personne a déposé un poison devant la bête de son prochain, et qu’avalé par cette dernière, il en ait provoqué la mort, le Bèt Dine (le tribunal rabbinique) saisit de l’affaire ne sera pas tenu d’ordonner le dédommagement du propriétaire de l’animal. L’auteur du méfait n’ayant causé le dégât que de manière indirecte – car c’est l’animal qui a ingéré la substance toxique et de cette manière, entraîné le dégât – la Halakha ne requiert pas l’imposition du dédommagement. Le Mazik (la personne ayant causée le dégât) n’en sera toutefois pas quitte pour autant ; il sera tenu – pour être réellement disculpé – de dédommager le Nizak (la personne ayant subit le dégât) de son propre chef (1).

Cette notion de dédommagement établi mais non imposable, est appelée "Patour Bédiné Adam, Vé’hayav Bédiné Chamaïm", et veut dire être quitte pour la loi de l’homme, mais être condamnable ou responsable aux yeux du Ciel. Elle est applicable pour tout dégât occasionné de manière indirecte, lorsque celui-ci est défini comme étant un Grama Bénizakine (dommage ou préjudice, causé indirectement) (2).

Notons qu’il est cependant du pouvoir d’un Bèt Dine d’ordonner le dédommagement – total ou partiel – du dégât (3). Ajoutons, que malgré la distinction à établir entre les dégâts directs et ceux qui ne le sont pas, il reste interdit de causer à priori tout dégât, même de manière indirecte (4).

Adam Hamazik, l’homme ayant causé un dégât, en sera responsable et devra dédommager le Nizak (la personne ayant subit ce dégât). Sa responsabilité restera engagée quelle qu’ait été la manière par laquelle le Nézèk (le dégât) a pu être commis : directement par sa main ou une autre partie de son corps, ou en ayant jeté ou lancé un objet, telle une pierre ou une flèche, ou bien même en ayant rejeté un expectorât ou un postillon (5).
Précisons également que la responsabilité du Adam Hamazik (de l’homme ayant causé un dégât) par rapport aux éventuelles conséquences de ses actes, sera engagée tant pour un dommage causé Bémézid (volontairement), que pour un dommage causé Béchoguèg (involontairement) (6).

C’est ainsi que lorsqu’une personne est affectée d’un mal considéré comme contagieux, il lui sera interdit de s’approcher d’autrui, afin de ne pas risquer de le contaminer. Par exemple s’il tousse ou éternue en direction de la "victime", alors qu’il souffre d’une maladie infectieuse et épidémique, ayant causée l’inflammation des voies respiratoires, telle qu’une grippe.
Ce faisant, il lui expédie les microbes de sa maladie, qui seront ensuite insufflés par la respiration. Là aussi, c’est la personne bien portante qui a effectué l’acte du dégât, en introduisant dans son organisme ces microbes qui altèreront sa santé. Le malade quand à lui, en polluant l’air de ses microbes, n’a fait qu’exposer la victime à son mal.
Il est donc bien question d’un Grama Bénizakine, d’un préjudice causé de manière indirecte.

Précisons que l’éventuelle impossibilité d’éviter de respirer cet air vicié, ne changera pas le statut de ce Grama (ce dégât indirect). C’est bien le Nizak (la personne ayant subit le préjudice) qui s’est activement attiré le Nézèk (le préjudice).
Le malade n’a causé celui-ci qu’indirectement. Il semblerait que cette considération soit explicite dans la Halakha du poison déposé devant une bête, où le fait que la substance toxique ait pu être enrobée d’un aliment dont l’animal est friand, n’augmentera pas la responsabilité du Mazik (de la personne ayant commis le dégât) (7).
Là aussi, la bête n’était probablement pas à même d’éviter la tentation, et l’intoxication.

Un tel préjudice n’engage donc la responsabilité du malade que Latsèt Yédé Chamaïm (pour être acquitté par rapport au Ciel), certes, mais reste néanmoins strictement interdit, à priori. De plus, les éventuels Nizakin (les personnes susceptibles de subir le préjudice) ont le pouvoir d’exiger le retrait ou l’éloignement du Grama (de la source de ce dégât indirecte) (8).

Il sera interdit de causer la transmission de sa maladie. Cet interdit reste valable même lorsque le malade ne fait courir ce risque à son entourage que de manière incertaine. La Halakha restera identique, même pour une contamination involontaire.

Ainsi, le malade devra s’abstenir de toute promiscuité risquée, même s’il devait pour cela faire ses prières en solitaire, ou perdre des journées de travail. Si, après consultation médicale, le malade a reçu des instructions assurant la protection de son entourage, et qu’il s’applique à les respecter, il lui sera permis de se rendre sur les lieux publics.

Kol Touv

1) Baba Kama 47b, voir aussi Baba Kama 55b et 56a ; Rambam, Hilkhote Nizké Mamone Pérèk 4 Halakha 2
2) Baba Kama 60a, Baba Batra, 22b, Choul’hane ‘Aroukh, Hochèn Michpate chap. 386 ; à ne pas confondre avec Garmi Bénizakine, qui lui est ‘Hayav Bédiné Adam, voir le Choul’hane ‘Aroukh ad. loc. Une autre considération est à prendre, afin de soutenir la définition de Grama pour le dégât en question : c’est le fait que il n’y ait pas de certitude que la maladie sera effectivement transmise. Car il serait éventuellement possible d’éviter la proximité risquée du malade. Ou bien de par le fait que les personnes en bonne santé seraient éventuellement vaccinées ou immunisés contre cette maladie. Lorsqu’un dommage n’est pas inévitable - Bari Hézéka, disent les Richonim, le Nézèk ne sera considéré que Grama Bénizakine, et pas Nézèk absolu
3) Voir, entre autre, le Rama, Hochèn Michpate chap. 386 par. 3
4) Baba Batra, 22b, Tour, Hochèn Michpate au début du chap. 378. Le Yad Rama, Baba Batra 26a, estime que cet interdit est Déoraïta
5) Voir Baba Kama 3b, le Rif, ad. loc. et le Rambam, Hilkhote ‘Hovèl Oumazik Pérèk 6 Halakha 10, le Choul’hane ‘Aroukh, ‘Hochèn Michpate, chap. 384 par. 1. Il en sera de même pour l’urine, voir le Choul’hane ‘Aroukh, ad. loc. chap.155 par. 6. Plus encore, la responsabilité de Adam Hamazik pourrait même inclure des dégâts causés par des "armes" n’ayant pas de masse ou de matière, voir le Kéhilote Ya’akov, Baba Kama chap. 39, chap. 44 pour la nouvelle édition. Par ailleurs il est à noter qu’un Nézèk causé par l’objet ou le liquide encore en vol, sera considéré comme la Tolada (le sous classement) de Adam Hamazik - l’homme ayant causé un dégât de sa main, alors qu’une fois à terre, le Nézèk répondra à dénomination de Bor, la fosse ou par extension tout obstacle déposé sur un lieu de passage. Voir le Choul’hane ‘Aroukh, ad. loc. chap. 410 et 411, et pour la différence entre le degré de responsabilité de Adam Hamazik et de celle de Bor, au chap. 411 par. 1
6) Baba Kama, 26a, voir aussi la Michna, Baba Kama 15b, Choul’hane ‘Aroukh, ‘Hochèn Michpate, chap. 378 par. 1, 2 et 3
7) Chakh, ‘Hochèn Michpate chap. 386 alinéa 23
8) Rachi, Baba Batra 22b intitulé Grama, Rambam, Hilkhote Chkhénim Pérèk 9 Halakha 7, Choul’hane 8 ‘Aroukh, ‘Hochèn Michpate, chap.155 par. 16, Rama, ad. loc. 386 par. 3