Le Or Ha'haïm et les lions



1. Dans la fosse aux lions


Sultan au Maroc
Le Sultan, qui était gouverneur de Salé, mariait sa fille. A cette occasion, il voulut faire confectionner pour elle des vêtements somptueux entrelacés de fils d'or et d'argent.

On employa les meilleurs tailleurs et couturières qui travaillèrent longuement pour préparer les parures du mariage. Il ne restait plus qu'à effectuer les travaux de tressage.

Le Sultan chercha alors le plus grand spécialiste en la matière. « Le Rav des Juifs » lui répondit-on, « est un artiste du métier, ses travaux sont d'une remarquable beauté et d'une grande précision ».

« Allez lui apporter les vêtements » ordonna le Sultan, « et dites-lui de terminer ce travail cette même semaine, car il ne reste que quelques jours jusqu'à la date fixée pour le mariage ».




Fil d'or
Les vêtements sur les bras, les serviteurs du Sultan se rendirent en grande précipitation chez Rabbi 'Haïm Benatar et lui transmirent la demande du Sultan.

Ils étaient sûrs que Rabbi 'Haïm se réjouirait du privilège qui lui était accordé de tresser les vêtements destinés à la princesse. Mais il n'en fut pas ainsi.




Veste Brodée de fil d'or
Notre maître refusa catégoriquement, expliquant qu'il ne pouvait pas accéder à leur demande car ses revenus lui suffisaient pour terminer le mois.

Ahuris par cette réponse, les serviteurs l'avertirent que son refus d'obéir à l'ordre du Sultan entraînerait sa mise à mort.

Notre maître demeura inflexible: «Je me suis juré de ne faire aucun travail à moins d'avoir besoin de son revenu et je ne changerai pas ma résolution».

Les serviteurs quittèrent la maison en colère et s'en retournèrent chez le Sultan lui rapporter la réponse bizarre de ce juif orgueilleux.


La fureur du Sultan ne connut pas de bornes en entendant les paroles insolentes » de ce Juif. Il ordonna à ses serviteurs: Allez affamer les lions de ma Cour! Si ce juif ne se plie pas à ma volonté, il sera jeté dans la fosse aux lions. »

Les émissaires du Sultan retournèrent chez Rabbi 'Haïm et lui firent part de la menace de leur maître.


Rabbi 'Haïm Benatar répondit: « Faites de moi ce que bon vous semble, je ne modifierai en rien mon serment ».

Les émissaires lui commandèrent: « S'il en est ainsi, viens avec nous » ! Rabbénou ne s'émut pas. Il s'enveloppa de son Taleth, prit ses Téfiline, un livre de Téhilim et suivit les envoyés.

S'adressant à sa femme qui se trouvait dans la cuisine et n'avait pas entendu la conversation, il lui dit « je reviens tout de suite ! ». Puis Rabbi 'Haïm embrassa la Mézouza et sortit de la maison, calme et détendu.

A l'approche du palais, on pouvait déjà entendre les terribles rugissements des lions affamés. Notre maître demeurait calme. Les émissaires courroucés emmenèrent le prisonnier dans la cour de derrière où se trouvait la fosse.


Entrouvrant une porte située sur le côté, ils le poussèrent à l'intérieur, face aux bêtes féroces. Rabbénou ne donnait aucun signe de peur.

Il s'assit sur les dalles, comme si de rien ri était, et commença à réciter tranquillement des versets des psaumes.

Un miracle se produisit: les animaux sauvages se rassemblèrent autour du Tsaddik en remuant leur queue, dociles et sans émettre le moindre son de leur gosier.

Les serviteurs qui se tenaient debout en dehors de la fosse, le coeur palpitant, ne pouvaient en croire leurs yeux. Ils coururent raconter au Sultan ce spectacle ahurissant. Ce dernier, incrédule, voulut voir ce miracle de ses propres yeux.

Quand il se rendit compte que ses serviteurs avaient dit vrai, il fut envahi de frayeur et de crainte respectueuse devant la sainteté extrême de ce grand sage et sa grandeur spirituelle par lesquelles p. avait bouleversé les lois de la nature et subjugué les bêtes les plus féroces. En tremblant, il donna l'ordre de libérer Rabbi 'Haïm Benatar. Il lui offrit aussi de nombreux cadeaux et le supplia de bien vouloir lui pardonner son acte criminel.

De retour chez lui, Rabbi 'Haïm raconta à sa femme et à ses disciples le miracle que D. lui avait fait. Ensemble, ils en louèrent l'Éternel et le remercièrent de toutes Ses bontés. A la suite de cela, Rabbi 'Haïm décida de quitter Salé. Il jugea que le moment était venu de réaliser son rêve de monter vivre en Eretz Israël.


2. La rencontre des lions



Après un court séjour à Meknès, notre maître reprit la route. Sa prochaine étape était Fès.

Rabbi 'Haïm et sa famille se joignirent à une caravane en raison des nombreux dangers et des embûches qui guettaient les voyageurs sur les routes.



Le convoi fit halte dans un endroit solitaire et isolé, lorsqu'un lion surgit soudain des profondeurs de la forêt et se dirigea rapidement vers les voyageurs. Pris d'épouvante, ces derniers se précipitèrent en quête d'un refuge.
Seul, Rabbi 'Haïm restait impassible.

Au lieu de s'enfuir, il marcha tout droit vers le lion. Les voyageurs, de leur cachette, suivaient la scène avec effroi. Sans aucun doute, l'animal allait se précipiter sur l'homme et le dévorer vivant!

Mais un miracle eut lieu: le lion sentit, semble-t-il, la sainteté qui émanait du Tsaddik. Au lieu de bondir sur lui, il fit subitement volte-face et s'éloigna à la vitesse de l'éclair vers la forêt proche d'où il avait surgi.

Les voyageurs, sortis de leur abri, s'approchèrent de notre maître, et s'inclinèrent devant lui, en lui rendant hommage. Ils venaient d'avoir la preuve qu'un homme de D. se trouvait parmi eux.

En effet, les Grands Tsadikim, de par leur grande crainte du ciel et leur comportement vis-à-vis de leur prochain, sont comparés à des lions.
Et n’ont donc aucune appréhension à avoir devant l’un des ces fauves, ni d'ailleurs devant personne.



La version de l'histoire citée ici nous a été rapporté par l'un de ses descendants vivant aujourd'hui à Péta'h Tikva, qui lui même l'a entendu de sa grand mère