La vraie Miséricorde


1. Anthologie de la souffrance




Moché soutenu par Aharon et Yéhochoua' lors de la
guerre contre 'Amalèk
Quelques semaines seulement après l'Exode, les Juifs furent attaqués par 'Amalèk. Les prières de Moché, la guerre conduite par Yéhochoua' et la foi des Juifs aboutirent à une grande victoire, une victoire qui fut suivie peu après par le don de la Tora au mont Sinaï.

Le miracle de Pourim atteint son apogée avec une autre grande victoire sur 'Amalèk et il fut suivi par "Kiyémou Vékiblou" (ils reconnurent et acceptèrent. Méguilate Esther 9, 27) - qui fut, comme nous le disent nos Sages, une nouvelle acceptation de la Tora, encore plus extraordinaire que celle du Sinaï. Un des trois commandements prescrits à Israël pour son installation sur la terre fut la destruction de 'Amalèk (Guémara Sanhédrine 20b).

Le commandement "Ma'ho Tim'hé Èt Zékhèr 'Amalèk" (tu effaceras le souvenir de 'Amalèk) est encore lu chaque année dans toutes les communautés juives, le Chabbate avant Pourim, et c'est un commandement qui doit être exécuté avant que la Rédemption finale puisse s'accomplir.


Hamane descendant de 'Amalèk, escortant Mordékhaï
Superficiellement, il semblerait que le commandement implique un acte de vengeance pour une attaque sournoise et vicieuse qui eut lieu en l'année 2448. Les nombreux commentaires des Sages et des commentateurs ultérieurs rendent tout à fait évident, cependant, que 'Amalèk est l'incarnation du mal sur terre, et que l'attaque dans le désert ne fut qu'un signe et une indication d'un malaise spirituel incurable.

C'est pour cette raison que D. dit que ni Son Nom ni Son Trône ne peuvent être parfaits jusqu'à ce que la race de 'Amalèk soit effacée de la face de la terre (Midrach Cho'hèr Tov 9, 10). La miséricorde est un trait de caractère juif, si bien que nos Sages mettent en question l'ascendance juive d'une personne cruelle.

Néanmoins, il y a des cas où la miséricorde bête n'est rien de plus qu'un euphémisme pour la cruauté. La tendre mère qui cède à la gourmandise insatiable de son enfant ne mérite guère la sympathie lorsqu'elle se recroqueville au bruit de la roulette et des cris de son cher petit assis dans la chaise de l'affreux dentiste - c'est elle qui l'a mis là !

D'autre part, la mère cruelle - qui surveille régulièrement l'alimentation de son enfant et s'expose à son ressentiment provisoire lorsqu'elle lui retire de la bouche tant d'hydrates de carbone - obtiendra en définitive sa reconnaissance pour l'avoir doté d'une bonne santé.

Si quelqu'un avait assassiné Hitler en 1933 (avant que l'assassinat ne devienne respectable), nous pouvons être sûrs que les hommes d'État et les éditorialistes auraient fulminé contre l'introduction du meurtre dans un processus politique. Avec le recul, nous savons maintenant qu'un tel assassinat aurait été un bienfait inégalé dans l'histoire humaine.

Les concepts humains de vrai et de faux, de compassion et de cruauté, sont nécessairement limités du fait de notre humanité même. L'être humain sensible peut bien éprouver de l'aversion envers le commandement d'assassiner un Amalékite de sang froid - cela va contre tout ce qu'on lui a enseigné au sujet de la sainteté de la vie et des vertus de compassion.

Mais compassion et faiblesse ne sont pas toujours synonymes. C'est Dieu qui est la source de la bonté et de la miséricorde. Quand dans Sa suprême sagesse, Il décrète que la guerre contre 'Amalèk est le chemin vers la perfection humaine, alors c'est la seule véritable voie de la miséricorde. Laisser vivre Hitler, laisser vivre Staline, laisser vivre Torquemada, laisser vivre Titus... laisser vivre 'Amalèk, ce n'est pas du tout de la miséricorde.


2. Le Roi Chaoul et Agag



Le Roi Chaoul oint par le prophète Chémouèl
Dès que Chaoul fut oint roi d'Israël, il reçut l'ordre de faire la guerre contre 'Amalèk. Le nouveau roi n'était pas le fils d'un simple fermier. Il dépassait de la tête et des épaules tous les autres membres de son peuple, spirituellement aussi bien que physiquement.

Dans toute sa vie il n'a commis qu'une seule faute (Guémara Yoma 22b). David avait vingt-huit ans quand Chaoul devint roi- ce n'était pas un simple adolescent gardant des troupeaux, comme l'histoire déformée voudrait nous le faire croire - et pourtant Chaoul fut choisi plutôt que lui comme le plus beau fils d'Israël.

Pour le mettre à l'épreuve, on lui assigna la tâche de terminer ce qui avait été commencé par Moché et Yéhouchoua', 438 ans plus tôt - de détruire 'Amalèk complètement, jusqu'à son bétail.

Chaoul se dit : « Si la mort d'un seul voyageur est un malheur, combien plus tragique serait le massacre de tout un peuple ! Si les gens ont fauté, comment le bétail a-t-il fauté ? Si les adultes ont fauté, comment les enfants ont-ils fauté ? ».

Questions logiques que nous pouvons bien nous poser aujourd'hui. Une voix du ciel lui dit : "Al Téhi Tsadik Harbé" (Ne sois pas juste à l'excès ! Kohélèt 7, 16)



Agag mis à mort par Chémouèl
Chaoul le juste, tomba dans le piège qui devait lui coûter son trône ; il substitua son propre concept de la miséricorde à celui de D. Il voulut être plus miséricordieux que le D. de Miséricorde !

Il attaqua 'Amalèk et ce fut une victoire, mais pas une victoire totale - le peuple ainsi que Chaoul ne se sentirent pas capables d'exécuter le commandement. Un homme surtout fut épargné : le roi Agag, le souverain malveillant et obséquieux de la funeste nation.

Parce qu'il fut épargné, , il vécut avec sa femme et elle conçut. Elle survécut et elle enfanta. De nombreuses générations plus tard, un descendant d'Agag, né à cause de la miséricorde mal placée de Chaoul, entra sur la scène de l'Histoire juive. Son nom est Hamane.

Et à cause d'un acte de miséricorde humaine en opposition à la miséricorde véritable et ultime de D., le peuple juif fut menacé de la même extermination qui aurait dû s'abattre sur 'Amalèk (Guémara Méguila 13a).



Le Roi Chaoul
D. dit au prophète Chémouèl que la monarchie serait retirée à Chaoul.

Le prophète, avec tristesse et colère, transmit le message à son oint, et il demanda qu'on lui amène Agag.

Mielleusement, Agag vint apportant cadeaux et remerciements.

Chémouèl lui-même tua le roi des Amalékites. Chémouèl - non pas un homme de guerre, ayant du sang sur les mains - mais un homme de paix et de bonté, et d'authentique miséricorde.

Il ne demanda pas à un guerrier ou à un bourreau professionnel de délivrer le coup de grâce, car on ne confie pas un acte de miséricorde à d'autres.

Il devait exécuter la Mitsva d'effacer 'Amalèk qui contribue à la perfection du Nom et du Trône de Divin, et à la Rédemption. Elle est donc l'acte ultime de miséricorde (Chémouèl 16).


3. David et Chimi Bèn Guéra


Une des nombreuses guerres entreprises par le Roi David
L'impression populaire qu'on a de David est celle d'un roi conquérant, sanguinaire, incapable de construire le Temple parce que c'était un homme de guerre et non de paix. C'est l'impression typique que laisse une lecture superficielle des Prophètes à la plupart d'entre nous. David était réellement un homme de paix et de miséricorde.

Ceux qui sont tombés dans ses guerres étaient comme des offrandes sur l'autel divin et s'il ne lui fut pas permis de construire le Temple, c'est parce que son peuple ne pouvait pas être à la hauteur de cette pureté et de cette droiture (Yalkoute Chim'oni II Chémouèl 145. Voir Mikhtav Mééliyahou II p. 275).

Quand son fils Avchalom se rebella et chassa David de Jérusalem, Chimi, fils de Guêra, un prophète, maître de Salomon et un membre non réconcilié de la famille de Chaoul, lança sur le roi exilé une volée de pierres et de cruelles injures. Chimi, en tant que rebelle contre la personne du roi, était passible de la peine de mort (Michné Tora, Hilkhote Mélakhim 3, 8).

Les fidèles partisans de David, conduits par Avichaï, fils de Sérouya, sollicitèrent la permission de tuer Chimi. "Pourquoi laisse-t-on ce chien mort insulter le roi mon maître ? Permets-moi d'avancer et de lui trancher la tête ! "

David refusa même à l'heure où il souffrait de sa plus grande angoisse et du plus grand préjudice, il ne se départit pas de sa compassion.

"Laissez-le prodiguer l'injure, si D. le lui a dit ! Peut-être le Seigneur considèrera-t-Il ma misère et me rendra-t-Il du bonheur en échange des outrages que je subis en ce jour. " (Chémouèl II, 16)

Ainsi Chimi vécut et eut des enfants et des descendants grâce à la compassion de David. Un de ses descendants eut un rôle central sur la scène de l'histoire juive plusieurs générations après - il s'appelle Mordékhaï !

Ce n'est pas pour rien que les Juifs de l'époque d'Esther disaient : « Regarde ce qu'un Yéhoudi (de la tribu de Yéhouda) a fait pour moi et ce que m'a fait un Binyaminite ». Qu'a fait pour moi un Yéhoudi ? - David n'a pas tué Chimi, et de lui descend Mordékhaï. Que m'a fait un Binyaminite ? Chaoul n'a pas tué Agag et de ce dernier descend Hamane né pour opprimer les Juifs (Guémara Méguila 13a).

Il y a deux sortes de miséricorde - la vraie qui engendra Mordékhaï et la fausse qui engendra Amane

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4. Chaoul réhabilité

Mais Chaoul était tout de même un grand homme et un juste, malgré son écart de conduite.

Les voies de D. sont mystérieuses, difficiles et justes, nous pouvons à peine commencer à le percevoir quelques rares fois seulement et alors même, cela prend souvent des siècles et une perspective proche du surhumain.

D. dans Sa providence a utilisé la miséricorde de David envers Chimi pour engendrer Mordékhaï et Esther, deux descendants de la famille royale de Chaoul.

Quand le produit du grave péché de Chaoul (Hamane) terrorisait les Juifs de Perse et de Médie, et jubilait à la pensée de leur extermination certaine, ce fut à Mordékhaï et à Esther de rattraper la faute de leur ancêtre, de se lever pour amener les Juifs au repentir, de susciter la miséricorde de D. pour Ses enfants, et de déjouer son complot.