'Hanouka: la lutte contre l’obscurantisme


Le soir, après le coucher du soleil, les communautés juives allumeront la première bougie de 'Hanouka.

Pendant huit jours consécutifs, chaque soir une bougie supplémentaire éclairera leur 'Hanoukia. Cette bougie supplémentaire — qui est appelée Chamach en hébreu — est celle qui sert à allumer les autres. Non seulement elle a sa place sur la 'Hanoukia, le chandelier à neuf branches, mais, selon la tradition juive, c’est elle qui éclaire. Autrement dit, les autres bougies ne diffuseraient pas de lumière!

Qu’est-ce qui se cache derrière ce symbolisme ?


1. Une lumière qui éclaire l'intérieur et l'extérieur


La lumière dissipe l’obscurité en provoquant la clarté. Cette lumière est indispensable à la vie. Le champ sémantique des termes comme lumière, clarté, obscurité, vision, etc., dépasse la dimension physique de la lumière comme phénomène nécessaire à l’exercice du sens de la vue.

Ne dit-on pas « faire la lumière sur une affaire » ou « jeter un nouvel éclairage sur un problème » ? Combien de fois avons-nous dit : « Je ne vois pas très bien où vous voulez en venir, soyez plus clair » ? La lumière est donc ce qui éclaire aussi l’esprit, ce qui permet d’avoir des idées claires. On voit donc qu’il y a un type de lumière qui dissipe l’obscurité et un autre type de lumière qui combat l’obscurantisme.

Cela nous fait comprendre le rôle de la neuvième bougie : elle éclaire du point de vue physique, sa fonction est comparable à celle du soleil, d’où son nom, Chamach, mot qui a la même racine que Chémèch, le soleil. Les huit autres bougies diffuseraient une lumière qui n’éclaire pas le monde des objets mais l’esprit, une lumière qui interpelle. Et si elles sont au nombre de huit, c’est que ce chiffre indique, pour la tradition juive, ce qui est au-delà de la nature, représentée, elle, par le chiffre 7.


2. L’héritage grec


Nous connaissons l’apport de la Grèce à l’art et à l’esthétique. Nous n’ignorons pas qu’elle a créé la philosophie. La science ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui si la Grèce n’avait pas illuminé l’esprit des scientifiques.

Mais, poussés par l’esprit de système, bon nombre de ses héritiers ont appliqué indûment ces lois et principes, qui régissent l’impersonnel du monde de la nature, à l’être humain, ignorant ainsi sa spécificité radicale. Vouloir ramener l’humain à une équation, nier l’existence de l’âme, refuser de reconnaître que chaque homme a quelque chose d’unique, c’est cela même que la tradition juive nomme l’obscurantisme lorsqu’elle interprète le deuxième verset de la Genèse ("et les ténèbres étaient sur la surface de l’abîme"). Le commentaire du mot "ténèbres", fait référence au temps de la Grèce, qui a obscurci les yeux d’Israël par ses décrets.
Les célébrations de 'Hanouka marquent l’inauguration du temple de Jérusalem après sa désacralisation par les armées d’Antiochus Épiphane, vaincues plus tard par Yéhouda Hamaccabi.

Lorsque les Séleucides, dynastie syrienne hellénistique, occupèrent la Judée, ils décrétèrent son hellénisation et imposèrent aux Juifs des cultes païens, et ce, jusque dans le Temple de Jérusalem. Non seulement les pratiques religieuses étaient interdites aux Juifs, les livres sacrés, déchirés et brûlés, mais quiconque était surpris à les étudier était condamné à mort pour anti-hellénisme, ce qui provoqua la révolte victorieuse des Maccabimes.

En occupant la Judée, les Séleucides furent confrontés à la société d’Israël, qui incarnait la négation de leur monde idéologique.

Et pour les Juifs, cette Grèce attachée à la représentation objective du monde, qui renvoie à l’ordre du déterminisme rigoureux des phénomènes, réduit la personne humaine à des structures impersonnelles.

Elle introduit, par là même, le désespoir et l’obscurité d’un univers tragique — alors que l’âme hébraïque s’attache à la reconnaissance des valeurs morales, qui impliquent le principe de la liberté du comportement humain et qui ont donné au monde les certitudes messianiques des prophètes.


3. Histoire et nature


Il faut savoir que toutes les célébrations inscrites au calendrier d’Israël rendent compte à la fois d’un événement historique et du contexte saisonnier de la célébration.

Par exemple, Pâque doit être célébrée au printemps, moment où la terre se libère du gel hivernal. Ce temps de la renaissance observé dans la nature correspond à la célébration pascale, qui marque la renaissance du peuple hébreu, libéré de l’esclavage égyptien.

De la même manière, la liturgie de 'Hanouka, qui célèbre la victoire de l’espoir sur le tragique, qui marque la chute de l’obscurantisme, se situe au solstice d’hiver, époque où les journées commencent à être plus longues, comme pour célébrer la victoire de la lumière, qui gagne progressivement du terrain sur l’obscurité.

Il nous faut espérer, en ces jours de solstice d’hiver, une victoire des forces de la lumière contre toutes les formes d’obscurantisme, victoire qui, permettra d’allumer les bougies de la 'Hanouka des lumières du monde.