La tradition
La tradition des plantations de Tou Bichvate est souvent perçue comme un héritage du sionisme laïque, mais ceux qui l'ont initiée étaient le rabbin Zeev Yavetz, historien et rabbin de Zikhron Yaakov, ainsi que les habitants de Yesod HaMa'ala, des Juifs pieux qui ont donné à cette pratique des justifications religieuses.
Tou Bichvat a été considéré pendant de nombreuses années comme une journée Symbolisant le pionnier juif, un jour de plantations et de fruits de la terre. Mais d'où viennent les coutumes de Tou Bichvate ?
Dans les écrits des Sages, cette date est mentionnée pour ses implications halakhiques concernant les commandements agricoles liés à la terre, mais rien de plus n'y est mentionné.
Selon une anecdote, le Rav Kook aurait été invité à participer à des plantations. Lorsqu'on lui tendit une bêche pour creuser un trou et y insérer une plante, il refusa en disant : « Il n'est pas convenable de réaliser une telle Mitsva avec une bêche. » Il s'agenouilla alors, creusa avec ses mains nues et planta le jeune arbre dans le sol.
Cette histoire fut rapportée à la radio il y a quelques années par un journaliste. Mais un chercheur invité en studio tempéra l'enthousiasme : « Le Rav Kook est arrivé en Terre d'Israël en 1904, alors que la coutume des plantations avait commencé vingt ans plus tôt, à Yesod HaMa'ala. »
Ce commentaire visait à souligner que le sionisme laïque avait revitalisé les terres arides et contribué à la construction du pays, et que les plantations n'avaient pas été initiées par des érudits religieux, et certainement pas pour des motifs spirituels ou religieux.
En réalité, la coutume des plantations de Tou Bichvate a débuté en 1884, à Yésod HaMa'ala, où 1500 arbres fruitiers furent plantés ce jour-là, suivis de 1000 autres dans les jours suivants. En 1890, le rabbin Zeev Yavetz introduisit cette tradition avec ses élèves à Zikhron Yaakov, lançant ainsi cette pratique comme une activité éducative.
Rav Zeev Yavetz
Faire de cette journée une journée de fête
Cependant, cette présentation, répandue dans de nombreuses sources, y compris sur Wikipédia, déforme la vérité. Le Rav Zeev Yavetz est connu comme enseignant, écrivain, historien et rénovateur de la langue hébraïque, mais il était bien plus que cela. Le rabbin Yavetz était un érudit de renom, un dirigeant du mouvement Mizrahi et le rabbin de Zikhron Yaakov.
Opposé à l'adoption de cultures étrangères, il aspirait à rénover le système éducatif en Terre d'Israël sur la base de la culture juive, une culture enracinée dans la foi. Ainsi, présenter la tradition des plantations comme un acte purement pionnier et laïque est trompeur, puisque l'initiateur de cette idée était en réalité le rabbin de Zikhron Yaakov.
Voici ce qu'il écrivait à ce sujet à l'époque :
« Afin de renforcer l'amour pour les plantations, celles de la Terre qu'a donné D-ieu à nos ancêtres pour en savourer les bienfaits et en admirant la beauté, il convient que les écoles célèbres, en ce jour anciennement consacré au Nouvel An des arbres, une fête pleine de charme et de grandeur pour honorer les arbres, les plantes et les fleurs. » (*Extrait de son livre, cité par Assaf Yedidya dans "Cultiver une culture hébraïque : la vie et la pensée de Zeev Yavetz ».)
De même, les planteurs de Yesod HaMa'ala, qui ont choisi de planter principalement des arbres et des cédrats parmi les sept espèces bibliques, partageaient une origine similaire. En 1896, Le journal HaTzfirah écrivait à leur sujet :
« Ils présagent sur eux le joug du Ciel, car la plupart d'entre eux sont des érudits, et ils ne sacrifient pas la vie éternelle pour la vie éphémère. »
Cela explique pourquoi les plantations ne commencèrent pas l'année précédente, car elle était une année de Chemita.
Voici ce qu'écrit R. Fishel Solomon, un membre de Yesod HaMa'ala, à son beau-père à Mezritch une semaine après les plantations de 1884 :
« La semaine dernière, grâce à D-ieu, nous avons planté dans le jardin collectif (car la terre n'a pas encore été divisée, je ne peux donc pas planter pour moi-même) plus de 1500 arbres fruitiers, dont 708 cédrats et 100 grenadiers. Cette semaine, avec l'aide de D-ieu, nous planterons 500 ou plus oliviers, ainsi que 400 figuiers et mûriers.
« L'homme et l'arbre des champs sont liés, et l'un ne peut vivre sans l'autre. C'est pourquoi notre premier projet a été les plantations, car D-ieu lui-même nous l'a enseigné : avant toute autre chose, il a planté, comme il est écrit : "Et D-ieu planta un jardin en Éden." »
Ces paroles font écho au Midrach (Vayikra Rabba 25/3 ) :
« Depuis le début de la création du monde, le Saint béni soit-il ne s'est occupé que de plantations en premier, comme il est écrit : "Et D-ieu planta un jardin en Éden." Vous aussi, lorsque vous entrerez en Terre d'Israël, occupez-vous d'abord des plantations. »
Le "sionisme" du Maharam de Rothenburg
Un examen historique de Tou Bichvat montre qu'en dehors de rares références mentionnant ce jour comme ayant une importance particulière dans des poèmes liturgiques, Tou Bichvat n'était pratiquement pas marqué par des pratiques spécifiques, si ce n'est l'omission des prières de supplication (Tahanoun) ce jour-là, comme dans tous les jours de réjouissance où les les jeûnes sont interdits.
Tombe du Maharam de Rothenburg (à gauche) dans le cimetière juif de Worms
Cet aspect est mentionné par le Maharam de Rothenburg :
« Quant à votre question : une communauté souhaite fixer un jeûne pour les lundi-jeudi-lundi, et cela coïncide avec Tou Bichvat. Doit-on considérer que le Nouvel An des arbres est une raison de repousser le jeûne ? Selon mon avis, le jeûne doit être repoussé à la semaine suivante, car on ne fixe pas de jeûne pour un jour de Nouvel An. » ( Responsa du Maharam de Rothenburg, Chapitre 563. )
Ces propos furent citées par Rabénou Guershom, surnommé "Lumière de l'Exil". Cette réponse fut ensuite reprise par les élèves célèbres du Maharam : R. Mordekhaï bar Hillel, le Rosh et Le Baal Hagahote Maïmoniote.
Sans surprise, le Maharam de Rothenburg, qui fut arrêté et emprisonné sur le chemin de son aliyah en Terre d'Israël, après avoir encouragé ses élèves à s'y installer, a considéré Tou Bichvat, comme un jour symbolisant le lien des Juifs de la diaspora avec leur terre. Inspiré par les sages de France, qui avaient eux-mêmes émigrés en Terre sainte au 13e siècle, il avait à cœur de promouvoir cet attachement.
Cela se reflète dans ce qu'écrivit son élève, Rabbi Shimshon ben Tzadok, alors qu'il était emprisonné :
« Quant à votre question : résider en dehors d'Israël est comme vivre sans D-ieu, car la Présence divine réside principalement en Terre d'Israël, comme il est écrit : "Et ils prieront vers toi par le biais de leur terre, le sommet des montagnes vers lesquelles toutes les prières sont orientées." » ( Tashbets Katan, Chapitre 462. )
L'expulsion d'Espagne
Après l'expulsion d'Espagne, les sages de cette communauté interprétèrent cet événement comme un appel divin à retourner en Terre d'Israël. Cela se reflète dans le poème liturgique devenu universel, Lekha Dodi , où il est écrit :
« Lève-toi, sors de la tourmente, il est temps de quitter la vallée des pleurs… Secoue la poussière, lève-toi, revêt tes habits de splendeur, ô mon peuple ; Par la main du fils de Ichaï, approche-toi de mon âme pour la libérer. »
Cependant, cet appel à l'aliyah fut principalement entendu par les érudits. Ces érudits, qui se regroupèrent principalement à Safed, instituèrent un ordre spécifique pour Tou Bichvate, comprenant la consommation de fruits de la Terre d'Israël, et ce jour devint l’expression des aspirations à la rédemption, à la reconstruction de la Terre et au retour du peuple juif dans son pays.
La compréhension des origines et de l'importance de Tou Bichvate peut nous aider à rétablir la juste perspective sur la reconstruction de la Terre, la rédemption et le lien unique entre le peuple juif et la Terre d'Israël. Ce lien, établi depuis Abraham notre ancêtre, ne s'est jamais rompu et ne sera jamais brisé.
sous l'angle du sionisme
Les représentants du mouvement sioniste considèrent le reboisement comme une obligation sacrée, symbole de l'arrivée d'une ère de renouveau. Sans se soucier des efforts nécessaires pour y parvenir, des passionnés ont déblayé des montagnes de rochers et planté des forêts. Dans les marais infestés de moustiques, ils ont planté des eucalyptus. La première cérémonie de Tou Bichvate, avec plantation d'arbres, a été célébrée par les habitants du mochav Iessod HaMa'alá, en Galilée, en 1884. Ce jour-là, des centaines de nouveaux arbres ont été plantés.
Depuis la création de l'État d'Israël, la responsabilité de tout le reboisement a été transférée au Keren Kaiemet LeIsrael (Fonds national juif) et des milliers de forêts ont été plantées. Le KKL est la plus grande fondation du mouvement sioniste et est responsable de l'achat de terres en Terre d'Israël pour la colonisation et le reboisement depuis 1905
Enfants en route pour planter des arbres à Tel Aviv
Cortège des écoles, accompagné d'une foule nombreuse, en route pour planter des arbres à Talpiot, le 15 Chevat à Jérusalem, vers 1925
Enfants à Tel Aviv
Le Premier ministre David Ben Gurion, son épouse Paula et le chef d’état-major de Tsahal arrivent à la cérémonie de plantation d’arbres de Tou Bichvat à Shaar Hagai, en 1949.
Même Winston Churchill, conscient de la symbolique, a planté son arbre sur le site de l'Université hébraïque de Jérusalem, au Mont Scopus. 1921
En mars 1921, Winston Churchill, ministre britannique des colonies et futur Premier ministre, se rendit en Palestine, qui venait d'être déclaré territoire sous mandat britannique. Il s'exprime devant 10 000 personnes sur le mont Scopus de Jérusalem, décrivant son soutien au sionisme et à la fondation d'un futur État juif.
Il participe à une cérémonie de plantation de palmiers à l'Université hébraïque et planta son propre arbre. Une allée du campus du mont Scopus de l'Université hébraïque fut plus tard baptisée du nom de Churchill.