Droit de grève dans les services publics


La question se pose concernant une grève des services publics, tels que les transports (avions, métros, RER, trains, etc..), ou même des corporations laitières, ou encore celles qui fabriquent le pain, ou toutes autres entreprises d’utilité publique.

Les principales victimes ne sont pas les employeurs, mais le grand public pour qui ces services sont essentiels. Lorsque l’on parle d’une grève, l’expression pris en otage est fortement utilisée par les concernés.

La Tossefta dans la Guémara (Baba Métsi’a ch.11) affirme : « Le coiffeur, le boulanger, le épicier, etc.… se trouvant dans une localité où il n’y a qu’un seul commerçant par spécialité, ne peuvent quitter leur travail au moment des fêtes, et le public (par l’intermédiaire du Bèt Dine, Tribunal Rabbinique) peut les contraindre à ne pas cesser leur travail tant qu’un remplaçant n’a pas été trouvé. Cependant chacun de ces commerçants avait la possibilité de poser ses conditions au moment de l’ouverture de son entreprise ».

Nous voyons clairement apparaître dans ce texte, un exemple où la Tora interdit le droit à la grève lorsqu’il s’agit de priver le public des services élémentaires.

Néanmoins, il est intéressant de constater que le texte de cette Tossefta (qui a quasiment la même importance qu’une Michna) n’est mentionné ni dans le Talmud, ni dans les textes Halakhiques tels que le Choul’hane ‘Aroukh et les décisionnaires…

C’est pour cette raison que certains commentateurs veulent déduire de cette absence que la pratique de la grève est permis même dans les services publics où les principaux touchés sont les usagés, avant même les employeurs.

De plus, afin de corroborer cette thèse, nous avons trouvé deux cas dans le Talmud (Yoma 38) qui rapporte qu’à l’époque du Temple à Jérusalem, il n’y avait qu’une famille, la famille Guarmon qui savait fabriquer le Lé’hèm Hapanime, les fameux pains de proposition.

Or, un jour ils se mirent en grève, et les sages d’alors tentèrent, dans un premier temps, de faire venir les artisans de la ville d’Alexandrie, en Egypte, mais ces derniers ne réussirent pas dans leur entreprise. Par dépit, les sages retournèrent chez les Guarmon afin de les persuader de reprendre la fabrication, ce que ces derniers firent après avoir exigé et reçu une augmentation de 100% de leur salaire habituel.

Nous voyons donc deux cas de grève dans des services publics (le Lé’hèm Hapanim et la Kétorète étaient essentiels car le peuple Juif avait l’obligation d’amener ces deux éléments, chaque jour, dans le temple) que seules ces deux familles savaient fabriquer. Malgré tout, les sages d’alors ne les avaient pas forcés à travailler, mais les avaient amenés à cela en doublant leur salaire.

Il en ressort donc une contradiction avec le texte de la Tossefta citée plus haut qui oblige, par la force, l’employé à reprendre son travail, et interdit donc formellement le droit a la grève lorsqu’il s’agit de services publics.

Or, d’un coté, ce texte n’est pas mentionné par les décisionnaires, et de plus, le Talmud (qui a plus de force, au niveau Halakhique, qu’une Tossefta) rapporte deux cas dans lesquels les sages avaient permis de pratiquer la grève.

Nous concluons donc comme le Talmud qu’il est permis de pratiquer la grève dans les services publics !


Rav 'Haïm Sabba'h